ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS :

Les femmes face au conflit, à l’occupation et au patriarcat


Mardi 26 avril 2005

« C’est là que deux systèmes de subordination - l’occupation et le patriarcat - se rejoignent dans les Territoires palestiniens occupés : en affrontant le premier de ces systèmes, les femmes se soumettent au second. » Rapporteuse spéciale des Nations unies chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences, février 2005

Les Palestiniennes paient un lourd tribut à la militarisation accrue du conflit, qui a entraîné une dégradation considérable de la situation des droits humains en Cisjordanie et dans la bande de Gaza depuis quatre ans et demi. L’augmentation sans précédent de la pauvreté et du chômage ainsi que la multiplication de problèmes de santé résultant des bouclages et des restrictions imposées par Israël dans les Territoires occupés ont exacerbé les pressions et les contraintes pesant sur les femmes dans la société patriarcale palestinienne. Pourtant, leur sort est largement passé sous silence.

L’escalade de la violence et les homicides commis en Israël et dans les Territoires occupés depuis quatre ans et demi sont la cause de souffrances innombrables parmi les civils israéliens et palestiniens.

La spirale sans fin des homicides est abominable, mais, en matière de droits humains, il y a encore d’autres scandales. Des dizaines de milliers de Palestiniens, des femmes et des enfants pour la plupart, sont sans abri et vivent dans le dénuement à la suite des destructions massives d’habitations, de terres et de biens palestiniens par l’armée israélienne. L’implantation continue de colonies israéliennes et des infrastructures qui leur sont liées sur des terres palestiniennes déjà occupées prive les Palestiniens de ressources essentielles, comme la terre et l’eau. Par ailleurs, l’imposition par l’armée israélienne de couvre-feux et de bouclages dans l’ensemble des Territoires occupés entrave la liberté de mouvement de 3,5 millions de Palestiniens ainsi que leur accès au travail, à l’éducation et aux soins médicaux - entre autres services essentiels.

De nombreuses femmes ont été contraintes d’accoucher au bord de la route, à côté des postes de contrôle, et plusieurs ont perdu leur bébé quand des soldats israéliens leur ont refusé le passage. Des milliers d’autres femmes ont été dans l’impossibilité d’accéder aux hôpitaux pour recevoir des soins prénataux et postnataux.

Les restrictions draconiennes imposées par l’armée israélienne aux Palestiniens des Territoires occupés ont des conséquences négatives importantes et durables pour tous les secteurs de la société. L’économie palestinienne est pratiquement ruinée, le chômage et la pauvreté ont considérablement augmenté, et la santé et l’éducation sont affectées.

La dégradation du tissu social palestinien a un impact profond sur les femmes qui subissent des pressions croissantes et sont victimes de violences au sein de leur famille et dans la société. Leur rôle est de plus en plus souvent celui de dispensatrice de soins et de chargée de famille - alors que leur liberté de mouvement et d’action est restreinte. Elles subissent, en outre, la colère et la frustration de leurs proches de sexe masculin qui se sentent humiliés, car ils ne peuvent plus remplir leur rôle traditionnel de chef de famille.

La dégradation de la situation a accentué les pressions que la société exerce sur les femmes et aggravé la violence au sein de la famille, alors que les mécanismes institutionnels de protection sont affaiblis à la suite de la destruction par Israël de la plupart des infrastructures et des institutions de l’Autorité palestinienne en matière de sécurité. En l’absence d’organes palestiniens chargés de l’application des lois, les groupes armés et les structures traditionnelles et tribales ont vu leur autorité renforcée. Les pressions exercées sur les femmes pour qu’elles se conforment à certaines interprétations des normes traditionnelles ou religieuses afin de préserver « l’honneur » de leur famille se sont accrues. Celles qui remettent en cause ces normes ou qui les transgressent risquent d’être tuées par leurs proches pour avoir terni la réputation de leur famille.

Les femmes et les jeunes filles qui risquent d’être tuées ou blessées par des membres de leur famille en raison de l’affaiblissement des mécanismes de protection, au demeurant déjà insuffisants, ajouté aux bouclages et aux restrictions imposées par l’armée israélienne, ne peuvent s’enfuir que très difficilement, voire pas du tout. Dans la plupart des cas, les hommes coupables de « crimes d’honneur » bénéficient de l’impunité - l’Autorité palestinienne étant à la fois incapable de faire face à ce problème et réticente à l’aborder. Les lois existantes sont discriminatoires envers les femmes et n’offrent pas une protection suffisante aux victimes de violences domestiques ; dans certains cas, elles encouragent même de tels agissements.

Dans ses recommandations, Amnesty International appelle :

* les autorités israéliennes à mettre fin aux bouclages et aux restrictions à la liberté de mouvement des Palestiniens des Territoires occupés ; à garantir aux femmes enceintes et aux autres personnes dont l’état réclame des soins un passage rapide des points de contrôle et un accès aux centres médicaux ; à ordonner des enquêtes sur tous les cas d’atteintes aux droits des femmes qui sont signalés et à traduire les responsables de ces actes en justice ; à accorder sans délai les réparations et indemnisations nécessaires aux victimes ;

* l’Autorité palestinienne à prendre des mesures pour mettre un terme à la violence contre les femmes ; à faire preuve de la diligence requise pour prévenir toutes les formes de violence contre les femmes et à ouvrir des enquêtes débouchant sur la condamnation des responsables de tels agissements ; à abroger ou à modifier les lois discriminatoires à l’égard des femmes ; à veiller à ce que les « crimes d’honneur » et les violences au sein de la famille soient considérés comme des infractions pénales graves ; et à faire en sorte que toutes les femmes victimes de violences bénéficient d’une réparation, et notamment d’une indemnisation.