Rencontre avec Matan Cohen,

militant israélien d’Anarchistes contre le Mur

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Voir aussi :
Compte-Rendu de la réunion à Saint-Claude (39)
Site du Groupe Prouhon de la Fédération Anarchiste qui a organisé cette réunion :

http://lautodidacte.lautre.net/fedana/groupe_proudhon_fa.php3?idsession=


L'image “http://www.lautodidacte.lautre.net/affiches/060A.gif” ne peut être affichée, car elle contient des erreurs.Le vendredi 28 octobre 2005, le groupe Proudhon de la Fédération Anarchiste invitait à Besançon Matan Cohen, un camarade israélien du groupe « Anarchistes contre le Mur » pour animer une réunion publique.

Plutôt que de nous parler du Mur lui-même et de ses conséquences pour la population de Palestine, Matan nous a essentiellement parlé de son expérience militante d’anarchiste israélien. Cette initiative a commencé en 2002/2003, lorsqu’au début de la construction du Mur, les habitants du village palestinien de Mas’ha ont invité des pacifistes et des libertaires de Tel-Aviv à venir voir par eux-mêmes les conséquences du Mur de l’apartheid. Pour de nombreux militants israéliens, mais aussi pour les habitants du village, c’était la première fois que se faisait ainsi des échanges directs entre Israéliens et Palestiniens. Les anarchistes ont ainsi pu réalisé vraiment la signification de cette « barrière de sécurité », mais aussi et surtout, pour ces militants, souvent jeunes, les Palestiniens n’étaient plus un tout dont on parle dans les médias, mais des individus avec des prénoms, des familles, des histoires et des sentiments, des êtres humains à part entière. Pour la plupart des habitants de Mas’ha aussi, ce fut aussi la première fois qu’ils voyaient des Israéliens, non comme des soldats à un check-point ou comme des colons ennemis, mais comme des amis et des camarades. Dans ce village, une tente pour la paix a été mise en place par des libertaires et des pacifistes israéliens, tente qui est devenu un centre d’informations où les Israéliens pouvaient venir s’informer sur la situation du village et les conséquences du Mur. Selon Matan, plusieurs centaines voir un millier d’Israéliens sont venus s’informer, et pour beaucoup ce fut la première fois qu’ils venaient en Cisjordanie, région qui n’est pourtant qu’à quelques dizaines de minutes du centre de Tel-Aviv.

C’est dans ce contexte qu’un groupe, d’abord informel, d’anarchistes israéliens engagés dans la lutte contre l’occupation s’est constitué. Des actions directes non violentes sont réalisées avec des Palestiniens contre l’édification du Mur, actions qui étaient revendiquées sous des noms différents comme « Juifs contre les ghettos » un jour ou « Groupe de Mas’ha » un autre. L’armée israélienne a finit par détruire la tente qui servait de centre d’information et a interdit aux camarades de revenir à Mas’ha. Le mur s’est finalement construit autour du village, ne laissant qu’une seule porte, sous surveillance militaire, pour entrer ou sortir du village, porte ouverte ou fermée selon le bon vouloir de l’armée.

Aussi, fin décembre 2003, les camarades israéliens ont mené une action pour ouvrir les portes à Mas’ha, sous le nom, cette fois « Anarchistes contre le Mur ». Et pour la première fois, l’armée israélienne a tiré à balles réelles sur des manifestants israéliens. Deux anarchistes israéliens, Gil Naamati et un autre de ses camarades, ont été grièvement blessés par les tirs de l’armée. C’est à partir de cette date que ces camarades ont lutté sous le nom « Anarchistes contre le Mur », en particulier lors des manifestations hebdomadaires à Bil’in, un autre village palestinien qui sera particulièrement touché par le Mur de l’apartheid. A chaque fois, le mode d’action des camarades est l’action directe non-violente, la résistance civile, afin de montrer où est la véritable violence. Cela dit, bien que les manifestations organisées par les camarades soient pacifiques, ils doivent faire face à la répression. Dès le début de manifestations, les autorités militaires utilisent l’argument qu’étant dans « une zone militaire », « toute manifestation est interdite ». Aussi de nombreux camarades d’Anarchistes contre le Mur sont actuellement inculpés, que ce soit pour « manifestation illégale » ou pour refuser de faire leur service militaire (qui est de trois ans pour les jeunes hommes de 18 ans et de deux ans pour les jeunes filles en Israël).

Le Mur, comme l’explique Matan, est le symbole, physique, d’une réalité qui est aussi psychologique, celle d’une division entre deux peuples par les politiciens. Les Palestiniens, que ce soit à l’école ou dans les médias, ne sont pas montrés comme des êtres humains, mais comme « l’autre », « l’ennemi », contre qui la répression est justifiée au nom de la « sécurité ». Une « sécurité » au nom de laquelle on érige ce mur, faisant d’Israël, pays où sont venues des familles fuyant les ghettos d’Europe, un ghetto au Moyen-Orient. En effet, si ce sont les villes et villages palestiniens qui sont directement affectés par le Mur, si ce Mur signifie que des paysans ne pourront plus que difficilement accéder à leurs champs, que ce Mur rend encore plus difficile l’accès aux hôpitaux et aux écoles, ce Mur, comme le rappelle Matan, enferme aussi la population d’Israël. En quoi d’ailleurs, demande Matan, le fait que des paysans soient coupés de leurs terres garantit-il sa sécurité en tant qu’Israélien ? En quoi le développement des colonies en Cisjordanie lui permet-il de vivre « plus en sécurité » à Tel-Aviv ? Au contraire même, ce n’est que la paix et la justice qui peuvent garantir la sécurité à la population d’Israël, et non la guerre et l’occupation. Aussi, comme le souligne Matan, la lutte contre le Mur et pour les droits des Palestiniens n’est pas tant une lutte nationale qu’une lutte pour les droits humains, comme l’était la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud.

Aussi, plus que les résultats de la lutte (avoir permis de poser la question du Mur sur la scène internationale, avoir fait reculer le Mur de quelques kilomètres…), Matan souligne que la première victoire de la campagne « Anarchistes contre le Mur » est dans la lutte elle-même, dans le fait qu’elle ait permis à des Israéliens et à des Palestiniens de lutter ensemble pour les droits humains, qu’elle ait créée des liens de solidarité et même d’amitié entre des gens vivant des deux côtés du Mur. Et c’est par ce biais, par cette lutte pour la justice et l’égalité, que réside l’espoir d’une paix véritable au Moyen-Orient, d’une paix qui ne serait pas un simple accord entre politiciens, mais une paix fondée sur la volonté des peuples eux-mêmes.

 

Un militant de l’UL CNT Besançon

 

Face aux multiples procès dont sont victimes les camarades du groupe « Anarchistes contre le Mur » (ils ont déjà besoin de 800 euros pour couvrir les frais d’avocats), il est possible de les soutenir financièrement.

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