Israël envisage un réseau routier séparé pour les Palestiniens


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L'idée n'est pas neuve, mais elle semble avoir refait surface au lendemain d'une attaque meurtrière perpétrée par des Palestiniens armés contre des colons sur l'un des principaux axes routiers de Cisjordanie. Le quotidien israélien Maariv a ainsi annoncé, mercredi 19 octobre, qu'un plan intitulé "Tout est fluide" est actuellement à l'étude au sein de l'armée pour séparer totalement les Palestiniens des Israéliens. Depuis l'attaque du 16 octobre qui a fait trois morts, les troupes présentes en Cisjordanie ont déjà rétabli certains barrages qui avaient été démantelés au cours des derniers mois. Elles ont de même interdit aux Palestiniens l'usage des voitures privées sur les axes principaux, les obligeant à recourir aux transports en commun. Le plan évoqué par Maariv va cependant beaucoup plus loin puisqu'une séparation de fait serait alors établie en Cisjordanie entre les routes réservées aux citoyens israéliens circulant en territoire occupé et les routes empruntées par des Palestiniens.

Une source militaire israélienne nous a confirmé, mercredi, l'existence de ce projet. "Il s'agit d'envisager un réseau routier alternatif pour les Palestiniens", a-t-elle indiqué. "Cette décision est motivée par les renseignements dont nous pouvons disposer et qui font état de préparations d'attaques terroristes" sur le modèle de celle du 16 octobre. "La mixité du trafic permet aux terroristes de s'échapper très facilement", ajoute-t-elle.

"POLITIQUE D'APARTHEID"

Les "alternatives" recherchées par l'armée israélienne n'existent cependant pas dans tous les cas. Des travaux importants seraient ainsi nécessaires pour doubler l'axe nord-sud de la Cisjordanie qui relie de manière très discontinue les grandes villes palestiniennes de Naplouse et d'Hébron. Les Palestiniens ont vivement réagi à ce projet en condamnant, par la voix du négociateur Saëb Erekat, "une politique d'apartheid" et de "punition collective contre la population palestinienne".

Il ne s'agit pas de la première tentative israélienne de séparation des réseaux routiers en Cisjordanie. Au lendemain des accords d'Oslo, des travaux coûteux de contournement des principales agglomérations palestiniennes avaient déjà été engagés pour éviter aux colons les traversées périlleuses expérimentées pendant la première Intifada. Les Palestiniens avaient dénoncé à l'époque des travaux qui tendaient à pérenniser la colonisation. La source militaire interrogée mercredi a confirmé que les autorités politiques israéliennes avaient sollicité au début de l'année certains pays donateurs, dont l'Union européenne, pour financer un réseau routier "alternatif", mais elles s'étaient alors heurtées à un refus.

Le plan envisagé en Cisjordanie n'est pas sans rappeler la séparation totale en vigueur à Gaza à la veille du retrait des colons et de l'armée intervenu en août et en septembre. Contrairement aux affirmations de l'armée, qui estime que les Palestiniens auraient un intérêt à disposer d'un réseau "alternatif" qui supprimerait les check-points, ces derniers n'avaient cependant pas disparu à Gaza. Les axes réservés aux Israéliens avaient de même constitué autant de cibles pour les miliciens palestiniens.

Gilles Paris Le Monde 21.10.05