Il n’aura
fallu que quelques jours pour que le mythe de la
«trêve» consécutive à
la fin de l’évacuation des colonies israéliennes de la
bande de Gaza
s’effondre devant la réalité.
Le 24 août,
pénétrant dans le camp de Tulkarem, au nord de la
Cisjordanie, une unité spéciale de l’armée
israélienne tuait cinq
Palestiniens, dont trois adolescents, justifiant cette opération
sous
le prétexte de rechercher un terroriste. La
«réponse» à cette
provocation ne s’est pas fait attendre. Le 28 août,
l’attentat-suicide
d’un Palestinien dans la gare routière de Beersheva, dans le
Néguev, à
proximité de la limite sud de la Cisjordanie, entraînait,
outre la mort
de l’auteur, une quarantaine de blessés parmi les nombreux
passants.
Le gouvernement
israélien n’a pas manqué, le jour même, de
proclamer
une fois de plus que, si la paix ne se fait pas, c’est la faute des
Palestiniens puisque l’Autorité palestinienne ne ferait pas,
selon lui,
«les efforts nécessaires pour combattre le
terrorisme». Et de continuer
l’édification de la «barrière de
sécurité», le mur de 600 kilomètres
qui enferme les Palestiniens dans leurs villages, transformant le
moindre acte de la vie quotidienne, comme aller à la ville
voisine, en
un cauchemar constitué d’heures d’attente et de contrôles
humiliants et
risqués.
Et pendant que Sharon se
félicitait de l’évacuation, finalement menée
sans grande difficulté, des 8500 colons du territoire de Gaza et
des
500 autres colons de quatre colonies de Cisjordanie, sur les cent vingt
existantes, d’autres colons s’installaient à Maale Adounim, une
zone
d’occupation qui coupe quasiment la Cisjordanie en deux et compte
déjà
près de trente mille colons. Parallèlement, dans ce but,
les habitants
palestiniens du faubourg d’Al Azaria, à Jérusalem-Est,
recevaient des
ordres d’évacuation. On ne saurait mieux illustrer la politique
du
gouvernement israélien qui, en Cisjordanie, poursuit sa
politique de
colonisation au détriment de la population palestinienne et au
mépris
de la volonté de paix exprimée par la majorité des
six millions
d’Israéliens.
Une fois le projet d’extension
de la colonie de Maale Adounim achevé,
celle-ci sera physiquement rattachée à
Jérusalem-Est, où vivent d’ores
et déjà 200000 Israéliens, isolant les quartiers
palestiniens et
rendant plus aléatoire pour le futur État palestinien le
projet
d’établir dans cette ville sa capitale. Quant aux 220000
habitants
palestiniens de ces quartiers, ils se trouveraient confinés dans
de
véritables ghettos, privés de liberté de
circulation, de travail, voire
de terres.
Ainsi, l’évacuation de
Gaza n’aura été de la part de Sharon qu’une
occasion de faire la part du feu, tout en poursuivant l’annexion de
fait d’une grande partie de cette Cisjordanie que l’armée
israélienne
occupe sans vergogne depuis 1967, au mépris des droits des
habitants
palestiniens.
Bien sûr, le retrait de
Gaza a valu au Premier ministre israélien
l’opposition des colons, et même la démission de son
ex-ministre des
Finances Benjamin Netanyahou, désireux de gagner les faveurs de
la
fraction de l’opinion de droite et d’extrême droite,
opposée au
retrait. Mais cette pression venant de sa droite sera désormais
un
argument de plus pour Sharon, pour déclarer face aux
Palestiniens, ou
face aux pressions internationales, qu’il lui est impossible
d’évacuer
la Cisjordanie où sont installés plus de 400000 colons
israéliens,
alors que déjà les 8500 colons de Gaza ne se sont
laissé évacuer que de
force.
La majorité de la
population israélienne, qui était sans doute
favorable au retrait de Gaza, en y voyant l’espoir de la paix, aurait
donc bien tort de s’en remettre pour cela à Sharon. Face aux
pressions
des colons et de l’extrême droite, il serait indispensable que
s’exerce
une pression venant, non seulement des Palestiniens, mais de la
population israélienne elle-même, pour dire qu’elle en a
assez de cette
guerre permanente, insupportable pour les deux peuples. Et pour dire
qu’aucune solution réelle, permettant aux deux peuples de vivre
côte à
côte, ne sera trouvée sans que soient reconnus les droits
du peuple
palestinien à un État véritable.
Eric TOLIAN |