Gaza évacuée mais les droits des Palestiniens toujours méconnus


Article publié dans Lutte Ouvrière, 2 septembre 2005

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Il n’aura fallu que quelques jours pour que le mythe de la «trêve» consécutive à la fin de l’évacuation des colonies israéliennes de la bande de Gaza s’effondre devant la réalité.

Le 24 août, pénétrant dans le camp de Tulkarem, au nord de la Cisjordanie, une unité spéciale de l’armée israélienne tuait cinq Palestiniens, dont trois adolescents, justifiant cette opération sous le prétexte de rechercher un terroriste. La «réponse» à cette provocation ne s’est pas fait attendre. Le 28 août, l’attentat-suicide d’un Palestinien dans la gare routière de Beersheva, dans le Néguev, à proximité de la limite sud de la Cisjordanie, entraînait, outre la mort de l’auteur, une quarantaine de blessés parmi les nombreux passants.

Le gouvernement israélien n’a pas manqué, le jour même, de proclamer une fois de plus que, si la paix ne se fait pas, c’est la faute des Palestiniens puisque l’Autorité palestinienne ne ferait pas, selon lui, «les efforts nécessaires pour combattre le terrorisme». Et de continuer l’édification de la «barrière de sécurité», le mur de 600 kilomètres qui enferme les Palestiniens dans leurs villages, transformant le moindre acte de la vie quotidienne, comme aller à la ville voisine, en un cauchemar constitué d’heures d’attente et de contrôles humiliants et risqués.

Et pendant que Sharon se félicitait de l’évacuation, finalement menée sans grande difficulté, des 8500 colons du territoire de Gaza et des 500 autres colons de quatre colonies de Cisjordanie, sur les cent vingt existantes, d’autres colons s’installaient à Maale Adounim, une zone d’occupation qui coupe quasiment la Cisjordanie en deux et compte déjà près de trente mille colons. Parallèlement, dans ce but, les habitants palestiniens du faubourg d’Al Azaria, à Jérusalem-Est, recevaient des ordres d’évacuation. On ne saurait mieux illustrer la politique du gouvernement israélien qui, en Cisjordanie, poursuit sa politique de colonisation au détriment de la population palestinienne et au mépris de la volonté de paix exprimée par la majorité des six millions d’Israéliens.

Une fois le projet d’extension de la colonie de Maale Adounim achevé, celle-ci sera physiquement rattachée à Jérusalem-Est, où vivent d’ores et déjà 200000 Israéliens, isolant les quartiers palestiniens et rendant plus aléatoire pour le futur État palestinien le projet d’établir dans cette ville sa capitale. Quant aux 220000 habitants palestiniens de ces quartiers, ils se trouveraient confinés dans de véritables ghettos, privés de liberté de circulation, de travail, voire de terres.

Ainsi, l’évacuation de Gaza n’aura été de la part de Sharon qu’une occasion de faire la part du feu, tout en poursuivant l’annexion de fait d’une grande partie de cette Cisjordanie que l’armée israélienne occupe sans vergogne depuis 1967, au mépris des droits des habitants palestiniens.

Bien sûr, le retrait de Gaza a valu au Premier ministre israélien l’opposition des colons, et même la démission de son ex-ministre des Finances Benjamin Netanyahou, désireux de gagner les faveurs de la fraction de l’opinion de droite et d’extrême droite, opposée au retrait. Mais cette pression venant de sa droite sera désormais un argument de plus pour Sharon, pour déclarer face aux Palestiniens, ou face aux pressions internationales, qu’il lui est impossible d’évacuer la Cisjordanie où sont installés plus de 400000 colons israéliens, alors que déjà les 8500 colons de Gaza ne se sont laissé évacuer que de force.

La majorité de la population israélienne, qui était sans doute favorable au retrait de Gaza, en y voyant l’espoir de la paix, aurait donc bien tort de s’en remettre pour cela à Sharon. Face aux pressions des colons et de l’extrême droite, il serait indispensable que s’exerce une pression venant, non seulement des Palestiniens, mais de la population israélienne elle-même, pour dire qu’elle en a assez de cette guerre permanente, insupportable pour les deux peuples. Et pour dire qu’aucune solution réelle, permettant aux deux peuples de vivre côte à côte, ne sera trouvée sans que soient reconnus les droits du peuple palestinien à un État véritable.

Eric TOLIAN