« Maman »,
et puis le râle, le
sanglot, le noir.
Le sang coule encore un peu, le corps poignardé
frissonne encore un peu.
Les cheveux bouclés s’enlisent dans la boue
« Maman », mais ça, seul l’a
entendu le bourreau.
Demain c’est l’aube, et les roses au réveil,
On entendra crier vingt jeunes années, et l’espoir
enchanté.
Alors dira la prairie, et diront les fleurs
- Celle qui vous a quittés, vous a quittés pour que
la honte soit lavée.
Dans son village, reviendra le bourreau sauvage.
« La honte ? » dira-t-il et il
essuiera son couteau.
« La honte, nous l’avons déchirée en mille
morceaux !
Nous voici revenus, sans tache, le
front haut, libres.
Eh patron ! Un verre ! Du vin !
Appelle la putain, la langoureuse au souffle de
parfum.
Pour rançon de ses yeux, je donne le Coran, et Dieu
sait quelles destinées ! »
- Remplis ton verre, bourreau.
La honte, seule la victime peut l’effacer !
L’aurore viendra. Les filles demanderont :
« Où est-elle ? » La bête de
sang
répondra :
« Nous l’avons tuée ».
Cette tache, à nos fronts, nous l’avons lavée.
Les voisines raconteront son histoire.
Et aussi les palmiers du quartier.
Pas une porte de bois n’oubliera,
Les pierres répèteront :
- Laver la honte,
- Laver la honte,
Ô voisines, filles du village,
Nous ne pourrons pétrir le pain qu’avec nos larmes.
Nous couperons nos tresses, écorcheront nos mains,
Afin que reste pure et blanche la tunique virile.
Ni sourire, ni fête, ni regard : le couteau
nous guette
dans
la main de nos pères, de nos frères.
- Qui sait, quels déserts, demain,
Pour laver la honte,
Nous enseveliraient ?
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