Le fils spirituel du fondateur du Hamas aux commandes

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Palestine. L’itinéraire d’Ismaïl Haniyeh, chargé de former le gouvernement palestinien, est celui classique d’un militant du Hamas, alliant fermeté doctrinale religieuse et compromis politiques.

Comme la plupart des dirigeants du Hamas, Ismaïl Haniyeh, quarante-trois ans, désigné premier ministre par son parti, est affublé du titre de « cheikh » qui désigne un personnage maîtrisant le savoir religieux islamique. L’itinéraire de cet homme politique, né à Chatti (Gaza), père de onze enfants, est celui naturel du parfait militant de la confrérie des Frères musulmans, dont la « branche palestinienne » a commencé à s’activer au grand jour, sans nullement être inquiétée, à Gaza dans les années soixante-dix. Il y adhère durant ses études secondaires à l’institut religieux d’Al-Azhar de Gaza.

Emprisonné une première fois en 1988

À l’université islamique, Ismaïl Haniyeh est un militant actif du groupe qui dirigeait le conseil des étudiants. À la tête de ce syndicat d’obédience islamiste en 1985-1986, créé pour réduire l’influence de la GUPS (Union générale des étudiants palestiniens, proche du Fatah et du FPLP) parmi les étudiants, il n’hésitait pas, dit-on, à faire le coup de poing avec ses rivaux nationalistes et communistes. C’est à cette époque qu’il noue des liens avec son mentor, cheikh Yassine, fondateur du Hamas.

Au sein de ce qui deviendra le Hamas, Ismaïl Haniyeh gravit rapidement les échelons durant la première Intifada qui a éclaté en 1987. Il est emprisonné une première fois en 1988 durant six mois et pendant trois ans en 1989 dans la même prison où était détenu Yassine. Il faisait alors partie des 415 membres du Hamas et du Djihad islamique qu’Israël décide de déporter en décembre 1992 dans le Sud-Liban avant de les libérer une année plus tard.

À son retour à Gaza, il est nommé représentant du Hamas au sein du comité de coordination de l’Intifada. Membre de la direction du parti, il fait d’ailleurs partie du staff du Hamas chargé du dialogue avec les autres forces palestiniennes. De 1999 à mars 2004, il occupe le poste de chef de cabinet du cheikh Yassine. De ce dernier, il hérite le sens du pragmatisme et du compromis sans céder sur la fermeté doctrinale du mouvement, en particulier en ce qui concerne l’application de la charia. À propos de cheikh Yassine à qui il voue une véritable dévotion, il assure que « peu des mots lui suffisaient pour exprimer de grandes idées. Dans ce cadre, j’appelle à étudier de façon scientifique et académique le discours médiatique du cheikh. Son discours était un remède et une soupape de sécurité pour le peuple palestinien ». Et c’est auprès de ce père spirituel qu’il s’est forgé une image d’homme modeste et intègre tranchant avec la réputation de corrompus de certains dirigeants du Fatah.

Voie ouverte aux plus hautes fonctions

S’il n’était pas du tout prédestiné à être un jour premier ministre, il n’en reste pas moins que les assassinats ciblés d’Abou Chanab (cinquante-trois) en août 2003, membre du bureau politique du parti et, surtout d’Abdelaziz Rantissi (cinquante-six ans) en avril 2004, leader

incontesté du Hamas à Gaza, lui ont en quelque sorte ouvert la voie de la promotion aux plus hautes fonctions au sein de sa formation. Il lui reste toutefois le plus dur à traverser : l’épreuve de la politique.

Hassane Zerrouky, l'Humanité, 22 février 2006