Gaza : le gouvernement israélien laisse un terrain miné

Article paru dans "Lutte Ouvrière", 16 septembre 2005
Retour Page d'Accueil

Après l'évacuation des derniers colons de la bande de Gaza et des dernières forces armées israéliennes qui les protégeaient, la population palestinienne, humiliée et maltraitée depuis trente-huit ans, a laissé éclater sa joie. Il reste maintenant aux Palestiniens à se réapproprier un territoire largement dévasté puisque les colons et l'armée, en quittant les lieux, ont quasiment tout détruit: les maisons, les installations, les plantations.

Tout, sauf la vingtaine de synagogues construites dans les colonies, qui ont été vidées mais délibérément laissées en place par le gouvernement Sharon, alors que, un an plus tôt, ce même gouvernement disait vouloir approuver le projet de les raser lors de l'évacuation.

De la part de Sharon, il s'agissait évidemment d'une provocation car il était évident que les Palestiniens allaient s'en prendre aux seuls symboles, fussent-ils religieux, qui subsistaient de l'occupation israélienne. Et ainsi "le monde entier alors découvrira l'infamie " [des Palestiniens], espéraient les partisans de l'abandon des synagogues en l'état.

Le principe au nom duquel le gouvernement israélien s'était déclaré opposé à la destruction des lieux de culte des colons, la prétendue "préservation de lieux saints", semble au demeurant avoir fonctionné à sens unique. En effet, lors de la première guerre israélo-arabe de 1948, de nombreuses mosquées furent détruites par l'armée israélienne qui chassa alors la majeure partie de la population palestinienne des terres qu'elle allait conquérir. C'est cet épisode que rapporte le quotidien israélien Haaretz, dans une chronique sur les "guerres des lieux saints": "Sur environ 140 mosquées des villages abandonnées à la suite de la guerre de 1948, une centaine ont été entièrement démolies. Celles qui restent, une quarantaine donc, se trouvent dans un état avancé d'abandon et de dégradation ou bien sont utilisées par les habitants juifs à des usages auxquels elles n'étaient pas destinées. [...] Une grande mosquée au coeur d'un moshav (village de colons coopératif) des montagnes de Judée sert d'entrepôt et de garage pour les engins agricoles. [...] Lorsque des habitants d'un moshav de Galilée occidentale ont eu envie de "s'élargir", ils ont attaqué au bulldozer, au milieu de la nuit, les vestiges de la mosquée du village abandonné et l'ont entièrement démolie."

C'est dire que ceux qui s'en prennent aux synagogues ont de qui tenir, avec une différence tout de même: en 1948, la destruction des mosquées fut une décision d'État.

Quant à la vie quotidienne dans la bande de Gaza, une des zones les plus densément peuplées du monde, elle demeurera marquée par la pauvreté, le chômage et la situation de quasi-apartheid que les gouvernements israéliens successifs ont maintenue depuis 1967. La politique d'Ariel Sharon, après s'être débarrassée du "fardeau" que représentait Gaza pour l'armée et pour les finances du pays, est de consolider les colonies de la Cisjordanie et d'isoler les zones palestiniennes, y compris Jérusalem-Est, derrière de hauts murs. On est loin de l'État palestinien libre et souverain auquel la population aspire et auquel le gouvernement de Sharon continue de tout faire pour fermer la porte.

Viviane Lafont