Le premier ministre palestinien,
Ismaïl Haniyeh, est obligé de monter en première
ligne. «NOUS NE VOULONS pas que notre
problème avec le pays qui nous occupe devienne un
problème entre Palestiniens»
: le premier ministre du gouvernement Hamas, Ismaïl Haniyeh,
costume
sombre et col ouvert, tente pour le deuxième jour
consécutif d'enrayer
à lui seul la grève des fonctionnaires palestiniens.
Visitant hier le
prestigieux lycée Karmel, il se réjouit de constater que
«les professeurs et les
étudiants s'impliquent dans le bon départ de
l'année solaire».
Mais Haniyeh n'a pas choisi l'établissement par hasard. Les
enseignants
sympathisants du Hamas y sont plus nombreux qu'ailleurs. Et même
ici,
les classes ne fonctionnent pas toutes. Juste avant sa
conférence de
presse, le premier ministre se fait prendre à partie par un
professeur
: «On n'a pas d'argent !»
L'argument de l'occupation a
du mal à passer parmi les grévistes, qui n'ont
touché en gros qu'un
mois de salaire depuis sept mois, après que les donateurs
étrangers ont
coupé les vivres au gouvernement islamiste élu en
janvier. Pour le 1,4
million de Gazaouis, l'absence de ressources est aggravée par le
blocus
imposé par Israël après l'enlèvement du
soldat Gilad Shalit, le 25 juin.
Dans
la bande surpeuplée, où l'influence du Hamas est plus
forte qu'en
Cisjordanie, plus de 60% des écoliers et lycéens du
système public
n'ont pas eu classe depuis la rentrée de samedi, contre 80%
environ en
Cisjordanie. Dans un établissement voisin, le lycée
Palestine, l'un des
rares professeurs à afficher la barbe courte en vigueur au Hamas
tente
de convaincre ses collègues : «Si vous voulez manifester, manifestez
contre Israël, les Américains et l'Europe !»
Les autres professeurs, portant la
moustache laïque, lèvent les yeux au ciel. Le
représentant du syndicat intervient : «Même
au moment où notre président Yasser Arafat était
bombardé dans son
bureau par les Israéliens, nous avons fait grève et
obtenu une
augmentation de salaire. Ceci n'est pas une grève
politique.» Une
affirmation démentie par la réalité. Vendredi,
à la veille du
mouvement, on a entendu des prêcheurs accuser les
grévistes de «faire
le jeu d'Israël».
Samedi à Gaza, les hommes de la «Force
exécutive», la nouvelle police en uniforme noir proche du
Hamas, ont
tenté d'intimider des directeurs pour les obliger à
ouvrir leurs
établissements.
«Ils n'ont rien fait» Le
Fatah du président Mahmoud Abbas, l'ex-parti majoritaire, grand
perdant des élections de janvier, ne dissimule pas sa
combativité. Les
députés Fatah ont voté une motion de soutien aux
grévistes. «Quand
nous étions au pouvoir, explique le député Ahmed
Abou Holy, le Hamas
faisait tout ce qu'il pouvait pour nous mettre des bâtons dans
les
roues. Nous faisons la même chose.» Le gouvernement, dit-il, porte sa
part de responsabilité dans la paupérisation du peuple
palestinien : «Nous leur
avions donné six mois pour trouver une solution. Ils n'ont rien
fait.»
Selon
Ahmed Abou Holy, la constitution d'un gouvernement d'union nationale
permettrait d'amadouer les donateurs étrangers, la promesse de
500
millions de dollars faite vendredi par l'Europe ne permettant que de
parer au plus urgent. Malgré l'optimisme de Mahmoud Abbas, qui
voyait
samedi les discussions aboutir «dans dix jours», les deux
parties ne
paraissent guère enthousiastes. Le Fatah semble peu soucieux de
servir
de béquille au Hamas. Le parti islamiste rechigne à
reconnaître la
suprématie de l'OLP, et donc les accords passés avec
Israël. En
attendant, chaque jour de grève affaiblit un peu plus le premier
ministre, au profit des groupes armés qui tiennent la bande de
Gaza.
Le Figaro, 4 septembre 2006
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