4000 travailleurs palestiniens,
employés par le Ministère de la Santé de
l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie et à Gaza, ont
engagé un mouvement de grève depuis le 10 juillet.
De l’autonomie
octroyée à la réoccupation israélienne :
l’exploitation continue.
En 1995, en application des accords
d’Oslo, le Ministère palestinien de la santé a pris la
suite de l’administration civile israélienne qui opérait
dans les territoires occupés en 1967. Mais les salaires des
employés palestiniens n’ont pas suivi l’augmentation du
coût de la vie qui est très proche de celui d’Israël
(1) : la rémunération mensuelle moyenne des
employés du secteur est aujourd’hui comprise entre 1200 et 1800
NIS (2), soit entre 220 et 320 Euros par mois. Seuls les
médecins dépassent nettement cette moyenne avec un
salaire d’environ 3000 NIS par mois, soit environ 500 Euros mensuels !
Le ministère palestinien
de la santé est un des ministères les plus mal lotis
depuis l’existence de l’Autorité. En 2005 sa dotation budgétaire représente 7,6 % du budget total de l’Autorité palestinienne, soit moins d’un tiers du budget du ministère de l’Intérieur (27 %) ! Pourtant les ressources affectées
à ce budget se sont diversifiées et ont augmenté
notamment par l’affectation des sommes versées par les cotisants
du système d’assurance maladie (3).
Evidemment, le nombre des employés
du secteur n’a pas cru en proportion du nombre des
bénéficiaires du système public de soins et le
personnel, surchargés de travail, n’est pas en mesure de
répondre correctement à la demande de soins de la
population .
Depuis la reprise de l’Intifada en 2000 et
notamment dans les moments de réoccupation des villes autonomes
palestiniennes et des camps de réfugiés, le
ministère de la santé a décrété de
nombreuses fois l’état d’urgence, tous les employés
étaient censés être au travail ou disponibles
à tout moment. Nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas pu
prendre de congés et qui n’ont jamais perçu de
rémunération en rapport avec le travail effectivement
réalisé.
Avant 1995 les travailleurs du secteur
public palestinien relevaient de deux dispositifs : application de la
loi de la fonction publique jordanienne en Cisjordanie et de la loi
égyptienne à Gaza.
Après une période pendant
laquelle l’Autorité a pris beaucoup de décisions visant
à adapter ces lois et à justifier la poursuite de leur
application, bien que celles-ci ne prenaient généralement
pas en compte la question des salaires, le Conseil Législatif
Palestinien a approuvé une nouvelle loi pour la fonction
publique palestinienne, mais son application a été
très rapidement suspendue.
Ce nouveau code de la fonction publique a
été divisé en deux parties : un volet
administratif et un volet financier que l’Exécutif de
l’Autorité a commencé à appliquer de façon
sélective, en privilégiant ses intérêts
propres.
A l’heure actuelle
l’Autorité déclare vouloir appliquer le volet
administratif …mais les salaires des employés du service public,
dont ceux du secteur de la santé, ne suivent pas et ne
permettent pas de faire face aux besoins élémentaires de
leurs familles. Mais oui, il existe une
question sociale en Palestine !
Cette lutte pour les salaires et les
conditions de travail n’est pas nouvelle pour les travailleurs
palestiniens.
Elle existait déjà sous le
régime de l’administration civile israélienne,
après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967 et avant
le transfert de certaines compétences à l’Autorité
à partir de 1995.
Par exemple, les enseignants
ont alors mené des grèves et ils ont du continuer
après l’arrivée de l’Autorité palestinienne. Les travailleurs de la santé se
sont aussi mobilisés et la grève actuelle n’est que la
poursuite de ces combats pour les salaires et pour une certaine
dignité au travail.
Il existe depuis des années des
syndicats correspondant à différents métiers de la
santé : médecins, infirmièr(e)s et autres
personnels paramédicaux.
Mais certains travailleurs ont une
confiance limitée dans ces syndicats professionnels qui
associent au sein d’une même union directeurs
d’établissement et employés, travailleurs du rang et
responsables du ministère de la santé dont certains, tels
les chefs de service, ont pour mission explicite de casser les actions
revendicatives et de discipliner les récalcitrants.
A l’occasion de la lutte actuelle un
nouveau syndicat s’est créé « le syndicat des
employés du secteur de la santé », avec pour
objectif de rassembler tous les employés qui n’ont pas de
syndicat professionnel spécifique, tels les employés de
bureaux, les chauffeurs et tous les employés peu
qualifiés.
L’action de grève a commencé
le 10 juillet, les modalités initialement retenues
étaient des débrayages de quelques heures, 3 fois par
semaine.
Le 26 juillet plusieurs milliers de
manifestants se sont rassemblés à Ramallah devant le
Ministère de la santé et devant le Conseil
législatif.
Aux revendications salariales les
manifestants ont ajouté les demandes de personnel
compétent pour faire face aux besoins sanitaires croissants de
la population palestinienne.
Mais une nouvelle fois ils n’ont
trouvé personne pour écouter leurs demandes, ni le
premier ministre ( ABU ALA ) ni aucun membre du gouvernement n’est venu
à leur rencontre.
Et dans les rangs des
manifestants on a entendu dire qu’on n’était pas
intéressant pour ces dirigeants puisqu’on n’apportait ni camions
de ciment ni autre cadeau (4)
.Les travailleurs de la santé ont
constaté ce jour là qu’ils n’avaient pas grand-chose
à attendre des dirigeants de l’Autorité, sauf des mesures
pour faire cesser la grève semble-t-il !
Le ministère de la
santé envisage en effet de décréter l’état
d’urgence, prétextant la situation créée par le
retrait israélien de Gaza : ce serait l’équivalent d’une
réquisition pour empêcher la grève ! D’ailleurs, d’autres travailleurs
palestiniens sont concernés par ce durcissement de
l’Autorité face à la contestation sociale : le ministre
de l’Education a adressé une mise en garde à tous les
employés de son ministère, menaçant de sanctions
disciplinaires ceux qui critiquent publiquement l’action de
l’Autorité !
Un appel à la grève
générale reconductible
Mais les employés du secteur de la santé n’abandonnent pas. Ils ont même décidé de durcir le mouvement. A partir de cette semaine l’action n’est plus quelques heures d’arrêt de travail 3 jours par semaine mais une grève générale reconductible avec seulement un service minimum pour les cas d’urgence. On parle évidemment peu de cette grève dans les médias palestiniens comme dans les autres. La confusion politique qui règne en
Palestine offre peu de visibilité pour des actions
revendicatives de masse qui échappent au programme des grandes
manœuvres politico diplomatiques en cours, de la fiction du «
retrait de Gaza » à la manipulation du prétendu
« danger de guerre civile » en Israël.
C’est pourtant dans ces luttes que les
travailleurs palestiniens retrouvent le sens et l’intérêt
de l’action collective qui est et sera leur seule possibilité
d’obtenir les droits démocratiques et sociaux qui sont
inséparables de leur droit à l’autodétermination.
Pour tenir et pour reconstruire les outils
de leur mobilisation indépendante ils ont besoin de la
solidarité et du soutien des travailleurs et des syndicalistes
épris de justice.
-1- 80% des produits
proviennent d’Israël, Israël a imposé son
système de taxation, l’eau, volée aux Palestiniens
à partir des nappes phréatiques de Cisjordanie, leur est
revendue au prix fort etc.
-2-NIS, monnaie israélienne, il n’existe pas de monnaie palestinienne -3- un peu plus de 60% des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie bénéficient de la couverture sociale de base. Les employés de l’administration dépendant de l’Autorité cotisent obligatoirement à hauteur de 5% de leur salaire. -4- Un rapport du Conseil législatif a confirmé les observations de nombreux Palestiniens : des entreprises palestiniennes, dont certaines sont liées à des membres de l’Autorité palestinienne, ont facilité l’importation de ciment depuis l’Egypte par des entreprises israéliennes. Ce ciment aurait même servi à la construction du mur ! |