Palestine : grève des employés du secteur public de la santé

Une correspondance de Ayshah Handal, Hebron, Palestine le 04/08/O5

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4000 travailleurs palestiniens, employés par le Ministère de la Santé de l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie et à Gaza, ont engagé un mouvement de grève depuis le 10 juillet.

De l’autonomie octroyée à la réoccupation israélienne : l’exploitation continue.

En 1995, en application des accords d’Oslo, le Ministère palestinien de la santé a pris la suite de l’administration civile israélienne qui opérait dans les territoires occupés en 1967. Mais les salaires des employés palestiniens n’ont pas suivi l’augmentation du coût de la vie qui est très proche de celui d’Israël (1) : la rémunération mensuelle moyenne des employés du secteur est aujourd’hui comprise entre 1200 et 1800 NIS (2), soit entre 220 et 320 Euros par mois. Seuls les médecins dépassent nettement cette moyenne avec un salaire d’environ 3000 NIS par mois, soit environ 500 Euros mensuels !

Le ministère palestinien de la santé est un des ministères les plus mal lotis depuis l’existence de l’Autorité.

En 2005 sa dotation budgétaire représente 7,6 % du budget total de l’Autorité palestinienne, soit moins d’un tiers du budget du ministère de l’Intérieur (27 %) !

Pourtant les ressources affectées à ce budget se sont diversifiées et ont augmenté notamment par l’affectation des sommes versées par les cotisants du système d’assurance maladie (3).

Evidemment, le nombre des employés du secteur n’a pas cru en proportion du nombre des bénéficiaires du système public de soins et le personnel, surchargés de travail, n’est pas en mesure de répondre correctement à la demande de soins de la population .

Depuis la reprise de l’Intifada en 2000 et notamment dans les moments de réoccupation des villes autonomes palestiniennes et des camps de réfugiés, le ministère de la santé a décrété de nombreuses fois l’état d’urgence, tous les employés étaient censés être au travail ou disponibles à tout moment. Nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas pu prendre de congés et qui n’ont jamais perçu de rémunération en rapport avec le travail effectivement réalisé.

Avant 1995 les travailleurs du secteur public palestinien relevaient de deux dispositifs : application de la loi de la fonction publique jordanienne en Cisjordanie et de la loi égyptienne à Gaza.

Après une période pendant laquelle l’Autorité a pris beaucoup de décisions visant à adapter ces lois et à justifier la poursuite de leur application, bien que celles-ci ne prenaient généralement pas en compte la question des salaires, le Conseil Législatif Palestinien a approuvé une nouvelle loi pour la fonction publique palestinienne, mais son application a été très rapidement suspendue.

Ce nouveau code de la fonction publique a été divisé en deux parties : un volet administratif et un volet financier que l’Exécutif de l’Autorité a commencé à appliquer de façon sélective, en privilégiant ses intérêts propres.

A l’heure actuelle l’Autorité déclare vouloir appliquer le volet administratif …mais les salaires des employés du service public, dont ceux du secteur de la santé, ne suivent pas et ne permettent pas de faire face aux besoins élémentaires de leurs familles.

Mais oui, il existe une question sociale en Palestine !

Cette lutte pour les salaires et les conditions de travail n’est pas nouvelle pour les travailleurs palestiniens.

Elle existait déjà sous le régime de l’administration civile israélienne, après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967 et avant le transfert de certaines compétences à l’Autorité à partir de 1995.

Par exemple, les enseignants ont alors mené des grèves et ils ont du continuer après l’arrivée de l’Autorité palestinienne.

Les travailleurs de la santé se sont aussi mobilisés et la grève actuelle n’est que la poursuite de ces combats pour les salaires et pour une certaine dignité au travail.

Il existe depuis des années des syndicats correspondant à différents métiers de la santé : médecins, infirmièr(e)s et autres personnels paramédicaux.

Mais certains travailleurs ont une confiance limitée dans ces syndicats professionnels qui associent au sein d’une même union directeurs d’établissement et employés, travailleurs du rang et responsables du ministère de la santé dont certains, tels les chefs de service, ont pour mission explicite de casser les actions revendicatives et de discipliner les récalcitrants.

A l’occasion de la lutte actuelle un nouveau syndicat s’est créé « le syndicat des employés du secteur de la santé », avec pour objectif de rassembler tous les employés qui n’ont pas de syndicat professionnel spécifique, tels les employés de bureaux, les chauffeurs et tous les employés peu qualifiés.

L’action de grève a commencé le 10 juillet, les modalités initialement retenues étaient des débrayages de quelques heures, 3 fois par semaine.

Le 26 juillet plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à Ramallah devant le Ministère de la santé et devant le Conseil législatif.

Aux revendications salariales les manifestants ont ajouté les demandes de personnel compétent pour faire face aux besoins sanitaires croissants de la population palestinienne.

Mais une nouvelle fois ils n’ont trouvé personne pour écouter leurs demandes, ni le premier ministre ( ABU ALA ) ni aucun membre du gouvernement n’est venu à leur rencontre.

Et dans les rangs des manifestants on a entendu dire qu’on n’était pas intéressant pour ces dirigeants puisqu’on n’apportait ni camions de ciment ni autre cadeau (4) .

Les travailleurs de la santé ont constaté ce jour là qu’ils n’avaient pas grand-chose à attendre des dirigeants de l’Autorité, sauf des mesures pour faire cesser la grève semble-t-il !

Le ministère de la santé envisage en effet de décréter l’état d’urgence, prétextant la situation créée par le retrait israélien de Gaza : ce serait l’équivalent d’une réquisition pour empêcher la grève !

D’ailleurs, d’autres travailleurs palestiniens sont concernés par ce durcissement de l’Autorité face à la contestation sociale : le ministre de l’Education a adressé une mise en garde à tous les employés de son ministère, menaçant de sanctions disciplinaires ceux qui critiquent publiquement l’action de l’Autorité !

Un appel à la grève générale reconductible

Mais les employés du secteur de la santé n’abandonnent pas.
Ils ont même décidé de durcir le mouvement.

A partir de cette semaine l’action n’est plus quelques heures d’arrêt de travail 3 jours par semaine mais une grève générale reconductible avec seulement un service minimum pour les cas d’urgence.

On parle évidemment peu de cette grève dans les médias palestiniens comme dans les autres.

La confusion politique qui règne en Palestine offre peu de visibilité pour des actions revendicatives de masse qui échappent au programme des grandes manœuvres politico diplomatiques en cours, de la fiction du « retrait de Gaza » à la manipulation du prétendu « danger de guerre civile » en Israël.

C’est pourtant dans ces luttes que les travailleurs palestiniens retrouvent le sens et l’intérêt de l’action collective qui est et sera leur seule possibilité d’obtenir les droits démocratiques et sociaux qui sont inséparables de leur droit à l’autodétermination.
Pour tenir et pour reconstruire les outils de leur mobilisation indépendante ils ont besoin de la solidarité et du soutien des travailleurs et des syndicalistes épris de justice.



-1- 80% des produits proviennent d’Israël, Israël a imposé son système de taxation, l’eau, volée aux Palestiniens à partir des nappes phréatiques de Cisjordanie, leur est revendue au prix fort etc.

-2-NIS, monnaie israélienne, il n’existe pas de monnaie palestinienne

-3- un peu plus de 60% des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie bénéficient de la couverture sociale de base. Les employés de l’administration dépendant de l’Autorité cotisent obligatoirement à hauteur de 5% de leur salaire.

-4- Un rapport du Conseil législatif a confirmé les observations de nombreux Palestiniens : des entreprises palestiniennes, dont certaines sont liées à des membres de l’Autorité palestinienne, ont facilité l’importation de ciment depuis l’Egypte par des entreprises israéliennes. Ce ciment aurait même servi à la construction du mur !