NAPLOUSE,
Cisjordanie (AP) : Force politique
désormais incontournable dans les Territoires, le Mouvement de
la
résistance islamique, ou Hamas, semble devoir obtenir un
très bon
résultat aux élections législatives palestiniennes
de mercredi.
Peut-être même trop bon à son propre avis.
De
l'aveu de plusieurs
de ses candidats, si le Hamas l'emporte, il pourrait choisir de ne pas
assumer un pouvoir qui, par le biais de ministères-clés,
l'obligerait à
négocier avec Israël et l'Occident. Aux Affaires
étrangères, il
préférerait donc pour l'heure les portefeuilles de la
Santé, de
l'Education et des Affaires sociales.
Reste
que le nouvel élan que
ce vote ne manquera pas de donner aux militants radicaux souhaitant la
destruction d'Israël fait craindre des changements profonds et
imprévisibles dans la politique palestinienne et le processus de
paix.
Ce qui contraint l'Etat hébreu, les Etats-Unis et l'Union
européenne à
s'interroger sur la façon de gérer l'extraordinaire essor
du Hamas,
déjà sorti victorieux des élections municipales
dans les principales
villes de la Bande de Gaza et de Cisjordanie.
Le
vieux Fatah de
feu Yasser Arafat et de l'actuel président Mahmoud Abbas
s'attendait à
une courte victoire mercredi. Mais les derniers sondages rendus publics
vendredi font apparaître que le parti historique et le Hamas sont
désormais au coude à coude.
L'enquête
de l'institut indépendant
Jerusalem Media and Communication Center, qui affiche une marge
d'erreur de 3,5 points de pourcentage, accorde 32% des intentions de
vote au Fatah, contre 30% au Hamas.
La
question est aujourd'hui de
savoir si une intégration du Hamas au sein du système
politique et du
gouvernement palestiniens contribuerait à adoucir ses positions.
Ou si,
au contraire, cela propulserait à des postes à
responsabilité des
extrémistes opposés à toute paix avec Israël.
Les deux sont à prévoir,
selon les récentes déclarations de responsables du Hamas.
Américains
et Européens ont émis des messages contradictoires sur le
Hamas,
multipliant en coulisses les pressions sur Israël pour qu'il
l'autorise
à participer aux élections, tout en refusant publiquement
de traiter
avec un groupe répertorié comme terroriste.
L'entrée
en force du
Hamas au Conseil législatif palestinien fragiliserait en outre
les
espoirs de paix suscités par la main tendue du Premier ministre
israélien Ehoud Olmert, aux affaires depuis l'hospitalisation
d'Ariel
Sharon, victime le 4 janvier d'une grave attaque
cérébrale.
De son
côté, le Fatah contribue doublement à l'essor du
Hamas. D'une part des
bandes armées issues de ses rangs sèment désordre
et insécurité dans
les Territoires, d'autre part des dissidents se présentent aux
élections sous l'étiquette "indépendants", avec un
risque évident de
dispersion des voix.
Aidés
par une conjonction de facteurs
extérieurs, les militants du Hamas ont axé leur campagne
sur le thème
du retrait israélien de Gaza: A les en croire, ce
désengagement serait
la conséquence des tirs de roquettes et attentats-suicides du
groupe
armé, et non de négociations. "Dix années de
discussions sans résultats
égale quatre années de résistance", peut-on lire
sur des affiches
électorales du Mouvement.
Face
à un Fatah empêtré dans des
affaires de corruption et de népotisme, le Hamas a fait primer
ces
derniers mois la nécessité d'une politique de l'emploi et
d'une
administration "propre" sur la lutte armée, allant
jusqu'à faire
campagne sous l'appellation "Changement et réforme".
Yasser
Mansour, numéro cinq sur la liste du Hamas, estime qu'une
trêve de
longue durée est envisageable et que la violence devrait
épargner les
civils, israéliens comme palestiniens.
"Nous
avons une souplesse
politique suffisante pour gérer la réalité sans
avoir à reconnaître
l'occupation illégale (des territoires palestiniens)",
expliquait-il
dans un entretien accordé à Naplouse, fief du Hamas en
Cisjordanie.
Le
mouvement islamiste refuse cependant de renoncer à sa charte qui
appelle à l'anéantissement d'Israël. Et plusieurs de
ses candidats
parlent toujours ouvertement de "guerre sainte".
"Le
Hamas
renouvelle son engagement de loyauté à l'égard du
'djihad' et de la
résistance, des armes et de Jérusalem", lançait
vendredi sa tête de
liste, Ismail Haniyeh, à quelque 10.000 partisans réunis
à Gaza.
Dépèche
AP, 23 janvier 2006
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