L'objection des femmes au service militaire en Israël


Shani Werner, "Le fusil brisé", mai 2003

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Israël est le seul pays à conscription pour les femmes. Shani Werner, membre active du Shministim, donne un aperçu du mouvement de résistance à l'armée des femmes.

Israël est le seul pays au monde qui pratique la conscription pour les femmes. Par conséquent c'est aussi le seul pays au monde où un mouvement de femmes contre l'incorporation existe. Nous ne connaissons pas l'étendue exacte de ce mouvement parce que plusieurs des jeunes femmes choisissent de supporter seules cette procédure (et c'est pourquoi nous ne les connaissons pas). En plus l'armée s'abstient de porter à la connaissance du public ces donnés.

Au contraire des hommes qui déclarent leur refus d'incorporation et sont envoyés dans une prison militaire, l'objection des femmes au service pour des motifs de conscience est officiellement reconnue par l'État. Ces femmes ont droit à l'exemption, à condition qu'elles réussissent à convaincre une commission militaire, communément appelée " le comité de conscience ", de la sincérité de leur objection.

Le droit à une libération de ses obliga tions militaires pour des raisons de conscience est un des secrets les mieux gardés de l'armée israélienne. La plupart des candidates à la conscription ne sont pas informées de ce droit au refus. Les forces de défense israéliennes ne sont pas prêtes à diffuser l'information sur la manière d'utiliser ce droit. Parfois, une mention négligeable à ce sujet apparaît noyée dans la masse des documents préparatoires envoyés aux candidates à la conscription. Les femmes qui posent des questions là-dessus auprès des centres d'incorporation, se voient souvent répondre " que cette chose n'existe pas ".

La procédure requise pour une femme qui veut passer devant le " comité de conscience " n'est pas simple. Ce comité traite les jeunes femmes de façon arbitraire et sans la moindre logique. Dans certains cas, c'est un entretien court et superficiel. Dans d'autres, il est mordant, humiliant et sérieusement intimidant. Des filles de dixsept ans doivent affronter un comité habituellement composé entièrement d'hommes beaucoup plus vieux, toutes seules, sans aucune assistance juridique ou morale. Jusque récemment, ce comité rejetait la plupart des femmes lors de leur première demande, et n'exemptait en général qu'après leur deuxième tentative, à condition qu'elles contestent la décision rendue. Plusieurs femmes n'étaient même pas informées qu'elles avaient la possibilité de faire appel.

Le mouvement Nouveau profil aide les femmes à objecter en fournissant un kit d'informations détaillées sur le sujet, établi par l'objecteur Moran Cohen et le procureur Yossi Wolfson. Le réseau des avocats du mouvement donne des conseils, explications et un soutien personnel. À présent de plus en plus de jeunes femmes sont au courant de cette possibilité et la plupart de celles qui font un recours devant la commission militaire sont effectivement exemptées.

Bien que l'armée israélienne exempte relativement facilement les femmes objecteurs en comparaison au traitement des hommes objecteurs, le refus en tant que tel n'est pas une démarche aisée à entreprendre. Cela demande à chaque femme de se retrouver face à soi-même, à affronter la façon dont elle a été élevée et un environnement qui souvent est offensé par son acte et ne peut pas le comprendre.

En outre, le fait que les femmes soient avantagées par rapport aux hommes pour le droit au refus, résulte directement du statut inférieur de la femme dans l'armée et plus largement dans la société israélienne.

Les femmes sont exemptées puisqu'elles sont non-importantes, comme si ce n'était pas " la chose réelle " - un combat de soldats. En conséquence, leur refus - une démarche personnelle qui est courageuse et pas facile du tout - reste " négligeable ", n'est pas l'objet de compte-rendu dans les médias, est invisible aux yeux du public.

Cependant, les voix des objectrices com mencent plus que jamais à se faire entendre. Dans le passé, certaines femmes se mariaient à dix-huit ans pour échapper au service militaire (les femmes mariées sont exemptées). D'autres choisissaient de se déclarer religieuses (les femmes strictement pratiquantes sont aussi dispensées de service). Il y a seulement quelques années, la plupart des jeunes femmes ne savaient même pas qu'elles avaient le droit d'être libérées des obligations militaires pour des raisons de conscience, et ignoraient tout des groupes qui pouvaient les assister dans leur acte de refus. Plus tard, les jeunes femmes refusaient mais leur geste ne comptait pas et n'était pas comptabilisé, même par les mouvements d'objecteurs. En 2001, la lettre des lycéens, signée à la fois par des garçons et par des filles, a été publiée : pour la première fois les objectrices de con science apparaissaient au grand jour.

Désormais, notre voix commence à se frayer un chemin. L'armée et les médias continuent leur silence et marginalisent le phénomène, mais de plus en plus de jeunes femmes choisissent de refuser pour des raisons de conscience, et reçoivent soutien et assistance. Le mouvement israélien du refus doit garder la montée des voix des objectrices comme un outil pour augmenter le nombre des objecteurs, et comme un moyen de lutter contre la combinaison du machisme et du militarisme, qui sous-estime les femmes.

D'après un article de Rela Mazali et Shani Werner