Commençons par un principe de base : l’arme atomique est bien représentative de ce système capitaliste qui utilise les formidables moyens technologiques dont dispose l’humanité pour concevoir des instruments capables de détruire cette même humanité. Que cette arme de destruction totale soit aux mains des USA, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Chine, ou de la Russie (les puissances nucléaires officielles), de l’Inde, du Pakistan ou d’Israël (pays qui disposent de cette arme) ou qu’elle soit demain aux mains ou pas de l’Iran ne retire rien de sa dangerosité et de sa monstruosité. On notera d’ailleurs qu’à ce jour, le seul pays qui ait utilisé cette arme, ce sont les USA, c’est-à-dire une démocratie. Un simple regard sur toute l’histoire du vingtième siècle montre que la forme démocratique de l’Etat bourgeois n’empêche en rien les pires barbaries. Or, depuis quelques temps, la « question de la bombe iranienne » fait résonner, une fois de encore, la menace d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Du côté iranien, le pouvoir joue les gros bras face aux puissances impérialistes, affirmant haut et fort que personne ne lui interdira de continuer son programme nucléaire, alors que du côté des USA, on parle de plus en plus de l’éventualité d’une intervention militaire contre l’Iran. Cette
question, bien entendu, a et aura des conséquences directes sur
la situation en
Palestine. Il est clair que si les USA ont toujours utilisé
Israël comme un de
leurs postes avancés au Moyen-Orient, l’Iran, de son
côté, compte bien utilisé
la Palestine sous direction Hamas et des groupes comme le Hezbollah et
surtout
le Djihad Islamique, comme un moyen de pression face aux USA. Il ne
semble pas
nécessaire de développer plus cet aspect des
retombées d’un conflit USA/Iran
sur la situation en Israël/Palestine, tant il semble clair qu’une
intervention
militaire des USA en Iran pourrait embrasser toute cette région
du monde,
région qui souffre déjà de trop nombreuses guerres. Il
y a, aussi, un autre aspect de ce conflit qui touche directement la
situation
en Palestine. Depuis longtemps déjà, tous ceux et toutes
celles qui
s’intéressent à l’Islam politique, qu’il s’agisse de le
soutenir ou de le
combattre, tournent régulièrement leurs yeux vers l’Iran.
Malgré le régime de
terreur imposé par les mollahs depuis 1979, l’opposition, et
même
l’extrême-gauche, n’a pas été anéantie dans
ce pays. Les grèves, les émeutes,
les manifestations de femmes ou d’étudiants qui ont
régulièrement lieu dans ce
pays sont là pour le démontrer. A plusieurs reprises ces
dernières années, on a
même pu espérer une explosion sociale dans ce pays,
explosion qui balayerait le
régime réactionnaire des mollahs et qui permettrait de
faire souffler un vent
de liberté sur toute la région. Au delà du fait
qu’une révolution détruisant le
régime islamiste d’Iran fermerait une des mannes
financières de groupes
islamistes (mais pas toute : nombreux sont les chefs
féodaux du Golfe qui
financent les groupes réactionnaires), une telle
révolution, surtout, casserait
le principal modèle des islamistes fussent-ils sunnites. Une
révolution
anti-islamiste en Iran, avec des milliers de femmes jetant les voiles
sous
lesquelles on les enferme, aurait bien sûr un impact en
Palestine comme
dans tout le Moyen-Orient ! Qui plus est, dans ce pays
industrialisé, où
la classe ouvrière a régulièrement montré
qu’elle ne se pliait pas à la terreur
islamiste, il ne serait pas improbable que le prolétariat joue
un rôle
déterminant, voire dirigeant, dans une telle révolution
anti-islamiste. Qu’on
se rappelle d’ailleurs que lors de la révolution de 1978-79 qui
a chassé le
Shah et avant que les ayatollahs ne rétablissent l’ordre
bourgeois, des
travailleurs se sont organisés en shorras, c’est-à-dire
en conseils
(« soviets » en russe). Qu’on se rappelle aussi
que, malgré la
répression monarchiste et ses positions opportunistes, le Parti
Toudeh (Parti
du Travail, équivalent de la plupart des PC du monde) avait une
influence sur
la classe ouvrière, et qu’aujourd’hui encore, malgré
près de 30 ans de
dictature religieuse, des groupes communistes révolutionnaires
continuent
d’exister dans ce pays, que les travailleurs, malgré la
répression, se battent
pour défendre leurs intérêts et construire des
syndicats indépendants. Tout
cela permettait, malgré les larmes qui coulent lorsque l’on
pense aux camarades
emprisonnés, aux femmes assassinées et à la
terreur imposée par les mollahs, de
regarder aussi l’Iran avec un certain espoir. Ce pays phare de l’islam
politique moderne ne serait-il pas bientôt aussi sa tombe ? La radicalisation du
régime iranien depuis l’automne 2005,
les provocations antisémites du président Ahmadinejad, le
renforcement du
contrôle des gardiens de la révolution (les milices
islamistes) sur
l’habillement des femmes, puis le conflit diplomatique avec les
impérialistes
sur la question du nucléaire, tout cela est arrivé
après une période
d’agitation ouvrière et démocratique (le Premier Mai
2005, par exemple, des
ouvriers en colère ont couvert un discours officiel par leurs
slogans,
manifestations de femmes pour l’égalité en juin, campagne
pour le boycott
d’élections qui n’offraient le choix qu’entre différents
réactionnaires
religieux, et plus récemment encore la grève des ouvriers
du transport à
Téhéran, etc.). En jouant aujourd’hui, avec la question
du nucléaire iranien,
la carte de la lutte contre les USA, le régime des mollahs
cherche à créer un
sentiment d’union nationale. La guerre ou la menace de guerre pour
assurer la
paix sociale, voilà une bonne vieille méthode pour
permettre à la bourgeoisie
d’assurer ses profits et sa domination ! Du côté des
USA, bien sûr, il n’y a pas besoin de faire de
longues analyses pour rappeler leurs intérêts
impérialistes au Moyen-Orient.
Pas besoin non plus de longs discours pour montrer que
l’impérialisme US
n’apportera aucune avancée démocratiques pour les peuples
du Moyen-Orient et
les femmes en particulier face à l’islam politique. C’est
la CIA qui a
armé et formé les Talibans et autres moudjahidines
réactionnaires en
Afghanistan pour mener la guerre contre le gouvernement
pro-soviétique, et
d’ailleurs, sous occupation impérialiste aujourd’hui,
l’Afghanistan n’est
toujours pas libéré de la Charia et des discriminations
sexistes (et les
avancées obtenues par les femmes dès 1978-1979 pourraient
apparaître comme une
utopie irréalisable aujourd’hui), et en Irak aujourd’hui, c’est
sous la
protection des USA que le gouvernement impose la Charia ! En plus des victimes de
toujours des guerres, une
intervention américaine contre l’Iran serait dramatique pour
tous ceux et
toutes celles qui refusent les dictats de l’islam politique. Autant une
révolution anti-islamiste en Iran serait porteuse d’espoir pour
tous les
peuples du Moyen-Orient, autant une intervention impérialiste
contre les
mollahs renforcerait au contraire l’influence des islamistes dans la
région qui
se poseraient alors, encore plus qu’aujourd’hui, en
« rempart contre
l’impérialisme ». Une libération des masses
iraniennes, par leur action
propre, contre le régime des mollahs, ouvrirait des perspectives
pour l’action des
masses dans tout le Moyen-Orient, alors qu’au contraire, une
intervention
impérialiste ne ferait qu’accroître le chaos dans cette
région du monde, y
compris en Palestine, renforcerait les souffrances des peuples pris en
tenaille
entre le terrorisme impérialiste et le terrorisme islamiste. Privée de l’aide
européenne et d’autres sources de revenus,
la Palestine, dirigée par les réactionnaires du Hamas, se
tourne vers l’Iran,
Iran qui, bien sûr, tentera de profiter de son influence dans la
région pour
régler des comptes avec l’impérialisme américain
et son allié, Israël. Bien
sûr, le Djihad Islamique (qui a toujours été,
encore plus que le Hamas, lié à
l’Etat iranien) n’a pas besoin de ce conflit pour organiser des
attentats-suicides à Tel-Aviv ou ailleurs. Par contre,
l’accroissement des
tensions entre les USA et l’Iran risque de renforcer encore ce que les
médias
appelle pudiquement « conflit
israélo-palestinien ». Du côté du
gouvernement israélien, une nouvelle logique de
« croisade anti-terroriste »
lancée par la Maison Blanche, lui donnera carte blanche pour
multiplier et
renforcer encore plus les incursions militaires et les check-points
dans les
territoires palestiniens occupés. Avec des attentats meurtriers
en Israël
revendiqués par le Djihad Islamique soutenus par un gouvernement
palestinien
Hamas, le gouvernement d’Israël pourra encore plus jouer la carte
de l’unité
nationale, enrôlant une grande partie de la population, y compris
de la classe
ouvrière, dans ses aventures coloniales en Cisjordanie, et
trouve dans ces
actions terroristes la meilleure justification pour continuer la
construction
du mur de l’apartheid. Et bien sûr, les incursions militaires,
les
bombardements sur la Bande de Gaza, les humiliations quotidiennes aux
check-points, l’édification du Mur de l’Apartheid, tout cela
permet de
renforcer, en Palestine, l’influence des islamistes. Et c’est ainsi
qu’en
s’affrontant, en prenant chacun pour cible potentiel l’ensemble de la
population civile de « l’autre camp », le racisme
colonial et l’Islam
politique se nourrissent l’un de l’autre en Israël / Palestine,
apportant
toujours plus de souffrances aux peuples de la région. On peut essayer de rester
optimistes, se dire que les
menaces de guerre lancées par Bush et les postures de gros bras
des ayatollahs
ne sont que des bluffs, que les USA ne se risqueront pas à une
nouvelle
aventure militaire alors que leurs troupes n’arrivent pas à
sortir des
bourbiers irakien et afghan, ou que, ne voulant pas risquer de perdre
leur
pouvoir les mollahs mettront de l’eau dans leur vin… Mais on sait aussi
que les
différentes fractions de la bourgeoisie n’ont souvent que faire
des
« discours raisonnables » et qu’elles sont
prêtes à enfoncer toujours
plus l’humanité dans le chaos et la barbarie. On parle de
frappes aériennes un
jour, de reprises des relations diplomatiques le lendemain. Iraniens ou
Américains, d’Europe ou du Moyen-Orient, le « commun
des mortels »,
ouvriers, employés, femmes au foyer, paysans, ne savent de toute
façon rien des
transactions secrètes entre Etats, rien de cette diplomatie
secrète, qui décide
de la guerre ou de la paix, de la survie ou de la mort de milliers
d’êtres
humains, pour de sordides intérêts capitalistes.
Derrière les discours des
dirigeants bourgeois, qu’ils parlent de religion, de démocratie,
de l’intérêt
de la patrie ou d’autres foutaises, il n’y a que les
intérêts économiques des
capitalistes et stratégiques des Etats, grands ou petits. C’est
ainsi que lors
de la guerre Iran-Irak, la Syrie et Israël, qui s’affrontaient au
même moment
au Liban, soutenaient tous les deux l’Iran. L’Irak plonge de plus en
plus dans le chaos et la guerre
civile entre différentes bandes armées, les tensions
s’accroissent en Israël /
Palestine et y compris dans la société palestinienne
elle-même entre Fatah et
Hamas, le roi de Jordanie (qui a signé la paix avec Israël)
accuse le Hamas de
préparer des attentats sur son territoire, et même si on
en parle peu, la
guerre continue en Afghanistan… Bref, toute la région, du
Moyen-Orient jusqu’à
l’Asie Centrale, est une véritable poudrière. Et toute cette région, avec le
dénuement dans lequel vit la population, le retour à un
ordre moral digne du
Moyen-Age, l’oppression insupportable que subissent les femmes, les
guerres et
le chaos, le racisme et les bandes armées de différentes
factions bourgeoises
et féodales, illustre bien la prophétie de Rosa
Luxemburg : « Avancée
vers le socialisme ou retombée dans la barbarie ».
Impossible, bien
sûr, de compter sur le pseudo « camp
de la paix », représenté entre autre par
l’impérialisme français (qui n’a
pas pris part à la dernière guerre contre l’Irak, mais
participe à l’occupation
de l’Afghanistan, et massacre quotidiennement en Afrique) ou par les
oligarques
du Kremlin (qui mènent une sale guerre coloniale en
Tchétchénie). Impossible
aussi de compter sur l’ONU, ce repaire des brigands
impérialistes. La seule
force capable de faire sortir la région du chaos et de mettre
fin aux
souffrances des peuples du Moyen-Orient, c’est la classe
ouvrière. Malgré le
rouleau-compresseur réactionnaire de ces dernières
années, malgré les appels à
la « croisade anti-terroriste » des uns et au
« djihad »
des autres, il existe, au Moyen-Orient comme ailleurs, des militantes
et des
militants qui luttent pour un monde sans oppression, pour le
communisme. Comme
le disent très justement les communistes-ouvriers d’Iran dans
leur déclaration
du 1er Mai 2006 : « La participation
rapide et
déterminée de la classe ouvrière pour mettre un
terme à la République Islamique
peut changer le monde entier comme la situation locale en mettant un
coup
d’arrêt au dénuement qui frappe les travailleurs et la
population en Iran et
dans tout le Moyen-Orient. C’est la mission centrale que la classe
ouvrière est
capable de relever ; comme l’a fait la classe ouvrière en
Russie durant la
première guerre mondiale, en contrant le bombardement
idéologique des partis
nationalistes de gauche et de droite qui défendaient leur
"mère
patrie", lorsqu’elle s’est hissée autour de son drapeau
indépendant sous
la direction des communistes et de Lénine. » Yasmina |