Tradition d’assassinat

Pourquoi Israël ne condamne pas les meurtriers pour « l’honneur de la famille » ?

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Il y a quelques semaines, le corps de Samar Hasoun, habitante de Shfaram âgée de 23 ans, a été trouvé dans un champ juste à la sortie de la ville.

L’enquête a montré qu’il s’agissait d’un nouveau « crime d’honneur ».

Après le meurtre, les propos d’un membre du conseil municipal de Shfaram étaient cités dans le journal arabophone « El Medina » : « Je pense que chaque erreur mène à certains résultats, et l’erreur qu’a faite la jeune fille était très, très grave. C’est la conséquence inappropriée de son action. »

La raison ? « Chaque communauté a ses lois, et cette victime ne prenait pas en compte les lois qui dirigent sa société, vivait selon ses propres règles, et nous ne pouvons pas tolérer une situation de chaos ».

A ma grande douleur, ce n’est pas la première fois qu’une femme arabe est tuée pour avoir violé les normes de sa société.

Mais ce n’est pas tous les jours qu’un fonctionnaire public prend la parole pour justifier le meurtre d’une femme. La déclaration du conseiller municipal reflète le point de vue de nombreux Arabes Palestiniens dans ce pays.

Compter sur de bonnes grâces

Ce n’est pas un secret que la vie de nombreuses femmes arabes est suspendue aux bonnes grâces des hommes arabes ; la plus petite « offense » touchant de près ou de loin la « morale » ou « dégradant l’honneur arabe » rencontre quotidiennement la violence.

L’assassinat de sang-froid, prémédité, est considéré comme une option possible, tout comme le bannissement, les punitions corporelles ou occasionnellement le divorce.

Celles qui sont forcées de quitter leurs domiciles prennent parfois refuge dans des foyers pour femmes battues, mais ceux deviennent de plus en plus rares. Deux d’entre eux, un à Shfaram et un à Akko ont fermé cette année, l’un pour cause de « manque de financement » et l’autre à cause de l’incroyable raison que « les voisins ne l’aime pas (le foyer) ».

Ni loi ni juge

Les mots du conseiller municipal de Shfaram illustre la gravité du problème et renforce le sentiment qu’il n’y a ni loi ni juge.

Mais les leaders arabes n’ont rien fait à propos du meurtre, les groupes féministes arabes ou non n’ont fait que des dénonciations hésitantes[i]. L’histoire n’a pas fait la une des nouvelles, et il est probable que le procureur général n’ait même pas été saisi.

D’après ce que je sais, des propos félicitant ou excusant le meurtrier peuvent être considérés comme des incitations au meurtre et être poursuivis. Mais la police et le procureur d’Etat cherche plus à traiter l’affaire avec des gants de soie que de découvrir les faits, comme pour dire « Ce n’est pas notre problème. Laissons les dignitaires arabes résoudre ce problème ».

Les Juifs et les meurtriers arabes

Des déclarations et des justifications comme « c’est une caractéristique de la société arabe traditionnelle » sont un jouet dans la main des assassins.

Et il y a une différence de fond qui est faite entre des meurtres comme celui-là dans la société arabe et des incidents similaires dans la société juive ; lorsqu’un Juif assassine sa femme, c’est considéré comme un acte individuel, privé, comme provenant de la jalousie ou d’un « aveuglement romantique passager ».

Mais lorsqu’un homme arabe assassine sa femme ou sa sœur, il agit dans un contexte culturel et légal, et pour cela sa responsabilité personnelle n’est pas considérée comme décisive.

A chaque fois, les autorités disparaissent facilement sur ces questions, ce qui est un signal de démission institutionnelle qui essaye de « ne pas se préoccuper des questions arabes internes ».

Arrogance culturelle

Et les rares fois où les autorités israéliennes sont forcées de juger des meurtriers arabes, elles le font ainsi, avec une arrogance culturelle.

L’homme qui sait qu’il s’en sortira facilement après un meurtre, ou qu’il pourra compter sur une arrogante pitié juive, n’hésitera pas à donner quelques années de sa vie pour que les gars de son quartier puissent penser qu’il est « un vrai mec » et une source de fierté pour tout le clan.

Le conseiller municipal appelle à l’oubli et à la compréhension pour le meurtrier en essayant d’expliquer des « lois » qu’il a fait lui-même ou dans lesquels il croit.

Pays respectueux des lois

La dernière fois que j’ai vérifié, Israël essaye toujours de se présenter comme un pays respectueux des lois, et on ne peut rien trouvé sur des lois religieuses spécifiques dans les livres de droit.

Il y en aura certains qui crieront et crieront : Israël colle son nez dans nos affaires !

Mais laissons-les, selon moi, crier, si cela évite le prochain meurtre.

Chaque femme a un droit absolu de contrôler son corps et ses sentiment, sans prendre en compte les normes sociales et culturelle.

Et ceux qui franchissent la ligne rouge peuvent croupir en prison.

 

Ala Hlehel, ynetnews, 15 novembre 2005

 

Ala Hlehel est un écrivain et journaliste palestinien citoyen d’Israël, qui a travaillé avec Mossawa et d’autres organisations anti-racistes palestiniennes en Israël, et qui a été assistant parlementaire de Muhammad Barakeh, député communiste arabe à la Knesset.


[i] A noter que l’organisation féministe Women Against Violence est intervenu sur ce meurtre :

http://libertefemmepalestine.chez-alice.fr/femmes_arabes_israeliennes_crimes_honneur.html