C’est le grand chambardement. Après-demain les électeurs palestiniens, pourtant favorables au processus de paix, vont sans doute offrir un tiers des sièges parlementaires à une formation qui réclame la destruction d’Israël. Vous avez dit
«bizarre»? Le
Proche-Orient n'en est plus
à un paradoxe près. Tenez: si
l'on en croit les sondages, 60 à 70% des Palestiniens souhaitent
la
relance rapide du processus de paix et un accord sur deux Etats
côte à
côte. Mais simultanément, ils seraient au moins 30% - mais
peut-être
même jusqu'à 50% estime le quotidien israélien Haaretz - à vouloir voter en faveur des
candidats du Hamas... un mouvement qui prône la destruction
d'Israël !
«Un
paradoxe? Pas tant que ça!», assure Jalal Al-Husseini,
chercheur à
l'Institut français du Proche-Orient à Amman. «Les
Palestiniens, c'est
vrai, veulent la paix. Mais ils sont convaincus que sur ce plan leur
gouvernement est parfaitement impuissant, que tout se décide
dans le
bureau du premier ministre israélien. Alors, que le Hamas soit
au
pouvoir ou non, quelle importance? A leurs yeux, l'enjeu des
élections
de mercredi est ailleurs: il s'agit d'en finir avec l'incurie et la
corruption de l'Autorité palestinienne, actuellement aux mains
d'un
Fatah (ndlr: parti d'Arafat) en pleine déliquescence. Le Hamas
peut faire valoir ses compétences et sa probité dans la
gestion de ses œuvres sociales.»
Ainsi, là où les Etats-Unis et l'Union européenne voient une organisation terroriste, les Palestiniens perçoivent avant tout un réseau de solidarité, explique Hasni Abidi, qui dirige à Genève le Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et musulman (Cermam). «Le Hamas verse une pension aux familles des kamikazes et soutient financièrement les proches des nombreux prisonniers détenus en Israël. Mais par ailleurs, le mouvement possède de nombreux dispensaires. Il a aussi mis sur pied une multitude de clubs de sports et propose aux jeunes des activités durant les vacances scolaires. Il contribue aux frais d'écolage de centaines d'enfants nécessiteux. Et finance quelques écoles religieuses. Il organise des mariages collectifs - par exemple dans des stades de football - en respectant bien sûr scrupuleusement les règles islamiques. Finance la construction de mosquées. Et met sur pied, évidemment, des pèlerinages à La Mecque.» En fait, «le Hamas est présent partout auprès des plus défavorisés: veuves, familles monoparentales, chômeurs, etc. C'est le troisième fournisseur d'aide sociale, après l'agence de l'ONU pour les réfugiés (Unrwa) et l'Autorité palestinienne», note Riccardo Bocco, professeur à l'Institut universitaire d'études du développement, à Genève. Ces
œuvres de
charité sont financées par les dons affluant de tous les
pays arabes.
Avec un but suprême: réislamiser la société
musulmane, martèle Rabah
Mohana, candidat du Front populaire pour la libération de la
Palestine
(FPLP). «A la manière des Frères musulmans.» Andrés Allemand, Tribune de Genève, 23 janvier 2006 |