Cinquième jour d'une grève de la faim

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Mes frères,
Si je n'arrive pas à vous dire correctement
Ce que j'ai à vous dire,
Vous m'en excuserez,
Je suis gris, la tête me tourne légèrement,
Pas de raki.
De faim, un tout petit peu.

Mes frères,
Ceux d'Europe, ceux d'Asie, ceux d'Amérique,
Je ne suis ni en prison, ni en grève de la faim,
En ce mois de mai, je suis couché sur le gazon, la nuit,
Vos yeux sont tout près sur ma tête, luisant comme des étoiles,
Et vos mains, une seule main dans ma poignée
Comme celle de ma mère,
Comme celle de la bien-aimée,
Comme celle de la vie.

Mes frères,
Vous ne m'avez d'ailleurs jamais abandonné,
Ni moi, ni mon pays, ni mon peuple.
Autant que j'aime les vôtres,
Vous aimez les miens, je le sais.
Merci frères, merci.

Mes frères,
Je n'ai pas l'intention de mourir.
Si je suis assassiné
Je continuerai à vivre parmi vous, je le sais :
Je serai dans le vers d'Aragon
- Dans son vers qui raconte les beaux jours à venir -
Je serai dans le pigeon blanc de Picasso,
Je serai dans les chansons de Robeson
Et surtout
Et le plus beau :
Je serai dans le rive victorieux de mon camarade
Parmi les dockers de Marseille.
Pour vous dire la vérité, mes frères,
Je suis heureux, heureux à toute bride.