Comment Tali est devenue une « ennemie publique »

Site de soutien à Tali Fahima

http://www.freetalifahima.org/

Voir aussi :
Liberté pour Tali Fahima
Tali Fahima, une Israélienne trop curieuse

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La solidarité avec les Palestiniens est suspecte aux yeux des autorités israéliennes. Pour avoir passé outre, Tali Fahima est en détention depuis plus d’un an

Comment une jeune fille rangée, secrétaire sans histoires, ne faisant pas de politique et votant pour Ariel Sharon - comme toute sa famille - a-t-elle pu se retrouver devant un tribunal qui l’accuse de « haute trahison » et d’« intelligence avec l’ennemi » ? Inculpations qui lui font encourir la peine de mort ou la prison à vie. C’est ce qui arrive à Tali Fahima, une jeune Israélienne de vingt-huit ans habitant Kyriat Gat, une « ville nouvelle » construite il y a quelques décennies dans le Neguev pour accueillir les juifs séfarades arrivant d’Afrique du Nord.

L'image “http://www.freetalifahima.org/images/tali-2.gif” ne peut être affichée, car elle contient des erreurs.Sarah, sa maman, est arrivée d’Algérie avec ses parents et sa soeur quand elle était encore toute petite. Elle vit toujours à Kyriat Gat, où, divorcée, elle a quasiment élevé sa fille seule. Elle ne comprend rien à ce qui lui arrive : « Tali ne faisait pas de politique, c’est une fille tranquille, réservée. Et puis, un jour, elle a vu un film à la télévision sur les enfants d’Arna. C’est ça qui a tout déclenché. Elle n’a plus pensé qu’à une chose : aller à Jénine et continuer ce qu’Arna avait commencé. »

Arna, c’est une militante israélienne de gauche qui avait créé un théâtre pour les enfants palestiniens de Jénine. Elle est morte il y a quelques années. Ce qui a tellement troublé Tali, c’est que l’un de ces enfants qui avaient fait du théâtre avec Arna soit devenu un terroriste recherché : Zaccharia Zbeidi, chef local des Brigades d’al Aqsa dans le camp de réfugiés de Jénine.

« Ma fille, raconte Sarah, voulait comprendre comment ce garçon avait pu devenir ce qu’il était. Elle est rentrée en contact avec lui par Internet. Il lui a raconté que sa mère et son frère avaient été tués, écrasés sous les ruines de leur maison par l’armée israélienne quand le camp de Jénine a été rasé par les bulldozers. Ils ont échangé des mails et puis, un beau jour, il l’a invitée à venir à Jénine. Moi, j’ai essayé de l’en empêcher, j’avais peur pour elle. C’était interdit. Mais elle ne m’a pas écoutée. Elle voulait voir par elle-même comment vivaient les Palestiniens. Alors, elle est partie là-bas. C’était en mai 2004. »

Là-bas, autrement dit dans un autre monde. Accueillie par plusieurs familles palestiniennes, Tali est devenue l’amie de Zaccharia. « Je dis bien amie, précise Sarah, pas amante, comme l’ont prétendu certains journaux qui ont tout fait pour la salir en racontant des mensonges. Elle a découvert la grande misère des Palestiniens et toutes les injustices et les violences qu’ils doivent subir. Elle a vu ce qui se passait quand l’armée entrait pour des opérations. Elle est allée à la télévision pour dénoncer tout cela. Je crois que c’est pour ça qu’on l’a arrêtée : elle disait la vérité, elle, une simple citoyenne. Elle osait défendre les Palestiniens. Je crois que les militaires et l’État ont eu peur que d’autres simples gens comme nous suivent son exemple. »

Tali, arrêtée début août, a été mise en détention administrative - un traitement habituellement réservé aux seuls Palestiniens - et durement traitée : soumise à des interrogatoires musclés, elle est restée au secret pendant neuf mois. C’est seulement après que les accusateurs ont produit ce qu’ils considèrent comme des « preuves » de sa trahison.

« Un jour que l’armée était entrée à Jénine, raconte Sarah, un militaire a, par négligence, perdu des papiers sur lesquels figuraient les photos de quatre terroristes palestiniens recherchés, ainsi que des plans du camp et des photos aériennes de leurs maisons. Ces papiers sont arrivés entre les mains des intéressés. Avertis, ils ont réussi à échapper à leurs poursuivants, qui les auraient sans doute exécutés. Parmi eux, il y avait Zaccharia Zdeibi. On accuse Tali d’avoir aidé les terroristes en leur traduisant ce qu’il y avait sur les papiers. C’est totalement ridicule : nous avons ces papiers, ils ne nécessitent aucune traduction. C’est juste des photos avec les noms des quatre types recherchés et des plans de Jénine. »

Tali Fahima passera en jugement les 17 et 18 septembre. Sa mère veut croire que les prétendues « preuves » contre sa fille seront jugées insuffisantes pour la condamner. Et que la mobilisation des défenseurs des droits humains en Israël et ailleurs sera suffisante pour faire reculer l’accusation. « Au début, dit-elle, Tali était très seule. Comme elle n’appartient à aucune organisation, personne ne prenait sa défense. Maintenant, Elle doit recevoir des messages de soutien. Elle est très forte, très courageuse. Elle dit qu’elle continuera à défendre les Palestiniens et à se battre pour la paix, car elle a toujours été contre les attentats. »

Sarah pousse un énorme soupir : « J’ai très peur pour elle, vous savez. Le problème, c’est que ce sont des Arabes et que nous sommes des juifs. Elle ne fait rien de mal en les aidant. Ici, c’est mal vu, mais j’espère qu’en France (1) on va comprendre cela et lui venir en aide. ».

(1) Sarah, qui a toujours la nationalité française, compte venir prochainement en France et auprès des institutions européennes pour recueillir des soutiens. On peut trouver des informations sur Tali et participer à la campagne en sa faveur sur le site www.freetalifahima.org.

Françoise Germain-Robin, L'Humanité, 5 septembre 2005.