Les femmes de Gaza craignent pour leur liberté sous le nouveau régime religieux

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Naila Ayesh, une femme mariée et laïque qui se promène dans Gaza avec des vêtements occidentaux, a déjà noté un changement subtile depuis la victoire du Hamas mercredi dernier.

« Vous entendez des gamins vous dire : "votre tête n’est pas voilée, mais bientôt elle le sera, vous pouvez encore conduire mais plus tard ce ne sera plus possible". Elle rapporte aussi comment une amie a relaté les propos de son voisin lorsqu’il a appris que son enfant allait à l’école américaine de Gaza : « Quoi, vous l’envoyez dans l’école des croisés ? » a lancé le voisin choqué. « Pourquoi ne l’envoyez-vous pas dans l’école Cheik Ahmed Yassin (nom du fondateur du Hamas) où elle pourra apprendre les langues et le coran ? ». Madame Ayesh ajoute « Tout ceci se produisait déjà avant, mais cela se renforce depuis l’élection ».

Madame Ayesh est une nationaliste palestinienne dévouée. Elle et son mari ont tous les deux connus de dures détentions dans les prisons israéliennes. Mais elle s’inquiète des effets internes de la victoire du Hamas qui vont plus loin que ces seuls présages insignifiants.

Madame Ayesh dirige le Centre des Affaires des Femmes[1], une oasis de féministe progressiste dans la ville conservatrice de Gaza. La faction islamiste et ses alliés des mosquées ne s’opposent à plusieurs de ses causes. Le centre a ainsi fait campagne pour un abri pour femmes battues, mais elle a été vaine en raison de craintes qu’un tel abri encouragerait les femmes à quitter leurs maris.

Son travail consiste en un programme expérimental qui informe les étudiantes de l’Université Islamique sur la loi, les droits humains et les possibilités d’emploi et qui fait campagne pour une loi de la famille qui protégerait les femmes des violences et assureraient leurs droits après le divorce. Elle craint que ce ne soit pas une priorité pour le Hamas. « Je ne suis pas inquiète à propos des lois déjà existantes, parce qu’il faut une majorité aux deux-tiers pour les changer, mais je suis inquiète pour les lois qui n’ont pas encore été prises ».

Le Hamas, ce ne sont pas les talibans (…). Ses portes-paroles ont dit de ne pas s’inquiéter et qu’ils n’ont pas l’intention d’imposer son idéologie religieuse (et la charia stricte) au parlement.

Mais Madame Ayesh considère que ce message public consensuel est parfois en conflit avec les fortes convictions des nouveaux élus au parlement. Par exemple, note-t-elle, Mariam Farhat, la « mère des martyrs », qui montrait dans sa vidéo électorale comment elle aidait son fils de 17 ans a préparé les explosifs qui allait le tuer avec cinq Israéliens, disait dans une interview que sa première campagne parlementaire serait pour une loi imposant le hidjab à toutes les femmes palestiniennes. Selon Madame Ayesh, le désaveu postérieur de Madame Farhat n’était pas convainquant[2]. Mais, de toute façon, elle craint plus que le changement soit culturel et graduel plus que législatif. « Le Hamas ne fera pas cela directement, mais ils emploieront d’autres moyens, comme par exemple les mosquées ».

Madame Ayesh est la première a reconnaître que le score énorme du Hamas reflète un désir de sanction pour punir le Fatah pour ses échecs de la décennie précédente. Et lorsqu’elle entend des accusations comme quoi le Hamas aurait promis 200 shekels à des électeurs pour soutenir ses candidats, elle dit qu’il y a autant d’accusations pour dire que le Fatah faisait exactement la même chose. Mais elle ajoute que des femmes qu’elle a rencontrées dans le cadre de son travail lui ont rapporté un autre message efficace utilisée par des militants (et le plus souvent des militantes) du Hamas : « Ces femmes m’ont dit qu’on leur avait affirmé : si vous ne votez pas Hamas, dieu vous punira à la fin ».

The Independant, 30 janvier 2006



[1] Site du Centre pour les Affaires des Femmes (Gaza) :

http://www.wac.org.ps/index.html

[2] Les élections passées, Farhat est d’ailleurs revenue sur cette volonté de voiler les femmes :

http://libertefemmepalestine.chez-alice.fr/gaza_heure_h.html