Gaza : les conséquences dramatiques de l’autre guerre

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Palestine . Les frappes meurtrières quotidiennes accentuent la détérioration de la situation socio-économique, ce qui crée un contexte quasi ingérable pour l’Autorité palestinienne.

Arrivés à bord d’une vingtaine de chars et de véhicules blindés, des soldats israéliens ont ouvert le feu, sans sommation, sur une maison d’un cadre local du Hamas, Younes Abou Dakka, quarante ans, dans la localité d’Abassan (sud de Gaza), tuant son frère Youssef, cinquante-deux ans. Capturé, Younis Abou Dakka est allé grossir les rangs des 64 responsables du Hamas, dont 8 ministres et 29 députés, arrêtés depuis le début de l’opération « pluies d’été », déclenchée le 24 juin suite à l’enlèvement du soldat Shalitt par un groupe armé palestinien.

Depuis cette date, et dans une indifférence quasi générale, 187 Palestiniens ont été tués, dont 43 enfants et 10 femmes. Sur les 715 blessés majoritairement civils dont beaucoup sont dans un état grave, on compte 194 enfants, 26 femmes et 4 journalistes. Et pas un jour ne passe depuis lors sans que l’armée israélienne ne fasse des incursions meurtrières, que des F16 ou des hélicoptères ne bombardent de présumés sites « terroristes », que des civils soient intimidés, harcelés, humiliés devant leurs enfants, et des habitants contraints, sous la menace, d’évacuer leurs habitations que les militaires israéliens se chargent ensuite de raser...

Derrière cette comptabilité macabre

-  seules les morts violentes font l’actualité - se cache une réalité beaucoup plus dramatique, la détérioration socio-économique de la Cisjordanie et de Gaza consécutive au blocus imposé par Israël, couplé à la suspension de l’aide financière internationale à l’Autorité palestinienne depuis la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes. De ce fait, aucun budget annuel n’a été préparé pour 2006. Concrètement, cela se traduit par le fait que 165 000 fonctionnaires n’ont pas perçu leurs salaires depuis mars 2006. Et si le compte de la présidence de l’Autorité palestinienne a bien été crédité de 142 millions de dollars par les pays arabes, cela n’a permis le versement que de 330 dollars, soit un demi-salaire, aux fonctionnaires palestiniens. Mais depuis, plus rien. D’où, à compter d’hier, cette manifestation populaire à Gaza et ailleurs qui sera suivie d’une grève de deux jours des employés du secteur public, dont 8 000 enseignants, exigeant le paiement de leurs salaires, employés qui menacent le gouvernement du Hamas d’une grève de la faim illimitée à compter du 2 septembre si leurs revendications n’étaient pas satisfaites.

À cela s’ajoute à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, la poursuite de plus belle de la colonisation des terres, la destruction des récoltes à proximité des check-points dressés par l’armée d’occupation sous prétexte de « mesures de sécurité » et d’ateliers de fabrication industrielle ou de réparation mécanique qui « pourraient servir » de lieu de fabrication de bombes, ou encore la pulvérisation de centrales électriques, comme celles de Gaza, privant les habitants et les hôpitaux d’énergie... Le tout sur fond de restrictions draconiennes de la circulation des marchandises, y compris les médicaments et autres produits de santé. Du coup, la paupérisation gagne du terrain dans une région où le chômage touche 40 % de la population active et où, selon un rapport de l’ONU, 70 % des Palestiniens vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de deux dollars par jour.

Cette aggravation de la situation socio-politique adossée à une paralysie de fait des institutions palestiniennes du fait de la répression guerrière israélienne, sur fond de tensions inter-palestiniennes (les affrontements armés se multiplient entre le Fatah et le Hamas), se traduit graduellement par une érosion de l’Autorité palestinienne et, plus grave, par une perte de confiance d’un grand nombre de Palestiniens dans le processus de paix et d’un règlement négocié. Même le Hamas, pourtant bien implanté à Gaza, ne parvient plus à maîtriser la situation. En témoigne aussi la prise d’otages des deux journalistes américains de la chaîne de télé américaine Fox News qui a conduit le premier ministre, Ismaïl Haniyeh, à demander leur libération.

Hassane Zerrouky, L'Humanité, 25 août 2006