Comment éviter la guerre civile ?


Retour Page d'Accueil

Retour "Vers la guerre civile ?"

Le mouvement islamiste Hamas et le Fatah de Mahmoud Abbas fourbissent leurs armes pour régler leurs différends. Les Territoires palestiniens semblent n'avoir jamais été aussi proches d'un conflit armé interne généralisé. C'est dans ce contexte qu'une rencontre de réconciliation entre Hamas et Fatah est prévue jeudi 25 mai.

"La guerre civile est une ligne jaune que personne n'oserait franchir", a déclaré le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dimanche 21 mai, à l'occasion du Forum économique mondial (WEF) sur le Moyen-Orient de Charm El-Cheikh, en Egypte, auquel il participait. Alors que dans les Territoires palestiniens la tension qui règne depuis plusieurs jours entre militants du Hamas et membres du Fatah ne fait que s'exacerber, les déclarations du président palestinien font la une de la presse palestinienne.

Laquelle relève qu'"une rencontre entre factions palestiniennes aura lieu jeudi 25 mai sous les auspices du président Abbas pour mettre fin aux affrontements meurtriers à Gaza et protéger les intérêts du peuple palestinien", relate Al-Hayat Al-Jadida. Toutefois, ni le lieu de cette réunion, ni ses participants ne sont encore connus, et la bande de Gaza a été le théâtre durant le week-end de deux attaques contre des hauts responsables du Fatah et des services de sécurité, lesquels relèvent directement du président et non pas du Premier ministre, rappelle le journal palestinien.

Ainsi, le chef des renseignements palestiniens, Tarek Abou Rajab, un proche de Abbas, a été grièvement blessé samedi 20 mai par l'explosion d'une bombe dans un ascenseur et transféré dans un hôpital israélien. Le lendemain, Rachid Abou Chabak, chargé par Abbas d'assurer le commandement collectif de plusieurs services de sécurité, a échappé à un attentat à la bombe. Dans les deux cas, les services de sécurité ont accusé ouvertement le Hamas d'avoir organisé ces "tentatives d'assassinat" alors que le gouvernement dirigé par le Hamas promettait une enquête diligente.

Al-Quds publie pour sa part le texte de l'allocution du président palestinien et titre sur la reprise des négociations avec les Israéliens, fermement défendue par Mahmoud Abbas. Un sujet sensible, car il sera certainement au cœur de la rencontre interpalestinienne du 25 mai, Abbas et le Hamas divergeant officiellement sur l'attitude à tenir face à Israël.

"Le principe d'un prochain sommet entre Abbas et le nouveau Premier ministre israélien Ehoud Olmert a été annoncé par les deux parties, au moment où Olmert prenait le chemin de Washington pour rencontrer le président américain", poursuit le quotidien palestinien. Abbas a insisté sur l'application de la "feuille de route", plan de paix parrainé par la communauté internationale. "Il a invité le nouveau gouvernement israélien à renoncer au slogan qui clame qu'il n'y a pas de partenaire palestinien pour entamer les négociations."

Pour le président palestinien, "ce slogan est utilisé depuis cinq ans, donc bien avant les législatives qui ont emmené le Hamas au pouvoir. Or les négociations peuvent reprendre car elles sont du ressort de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le gouvernement palestinien ne s'y opposera pas."

Al-Ayyam titre aussi sur l'éventuelle rencontre Olmert-Abbas et souligne que le président palestinien a fait part de son intention "de soumettre à un référendum les résultats des discussions israélo-palestiniennes". Le président a aussi signalé que "la possibilité d'organiser des élections législatives et présidentielles anticipées n'était pas exclue si le dialogue interpalestinien prévu jeudi prochain aboutissait à cela".

Mais le quotidien palestinien ne cache pas son scepticisme et se demande, dans son éditorial, "vers où allons-nous ?" "Le seul dialogue qui est en cours est celui des armes et cela ne manquera pas de peser sur la rencontre prévue jeudi prochain. Une rencontre qui semble se limiter aux représentants du Hamas et du Fatah, en ignorant les autres partis et factions, et surtout en ignorant toute représentation de la société civile."

On retrouve le même ton sceptique dans l'éditorial du quotidien panarabe Al-Hayat. "Les dirigeants palestiniens veulent nous faire croire que la situation peut encore être redressée alors que la dégradation est à son comble. Aucun responsable ne nous a expliqué pourquoi les dirigeants du Fatah et du Hamas sont friands de déclarations rassurantes alors que les frictions et affrontements entre les militants des deux factions se poursuivent sans relâche."

Le journal poursuit sur un ton de plus en plus critique. "Il n'est plus possible de prendre au sérieux aucune des parties palestiniennes. Tout le monde parle de l'union nationale, des intérêts du peuple palestinien et d'empêcher le sang de couler. En même temps, aucune des parties n'hésite à poignarder l'autre." Al-Hayat montre du doigt également "les parties extérieures, arabes et non arabes, qui ont accepté l'isolement politique et l'embargo économique prônés par Washington et par Israël pour pénaliser le gouvernement du Hamas. Une décision qui a largement contribué à affamer les Palestiniens et à les dresser les uns contre les autres." Pour l'éditorialiste d'Al-Hayat, "il est à craindre que la ligne jaune, dont parle le président Abbas, ne soit déjà dépassée".

Hoda Saliby, Courrier International, 22 mai 2006