Vers la guerre civile ?

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Pas un jour, ou presque, sans que les tensions entre les factions armées du Fatah et du Hamas ne fasse craindre l’effondrement de la Palestine dans la guerre civile. Si cette tension n’est pas nouvelle, si des affrontements avaient déjà eu lieu en octobre[1] entre factions du Fatah et du Hamas, mais aussi, parfois entre factions armées rivales du Fatah, dans la Bande de Gaza, elle prend une tournure de plus en plus dramatique. Début mai déjà, les factions armées des deux partis se préparaient à l’affrontement (voir l’article du Figaro du 10 mai), affrontement qui ne fait que de s’embrasser depuis, comme le montre différents articles de presse (voir : l’Humanité du 20 mai, l’Humanité du 22 mai, l’Orient le Jour du 25 mai, Haaretz du 21 mai). Et si, les dirigeants du Hamas et du Fatah doivent se rencontrer ce jeudi 25 mai pour « ramener le calme », la presse palestinienne n’est guère optimiste sur les résultats de cette rencontre (voir la revue de presse palestinienne).

Si les affrontements se déroulent essentiellement dans la Bande de Gaza, des échanges de coups de feu (sans faire de victimes) ont aussi eu lieu à Tulkarem, en Cisjordanie. Il est de toute façon difficile d’imaginer que si la guerre civile éclate dans la Bande de Gaza, elle ne se développe pas rapidement aussi en Cisjordanie. La situation humanitaire et sociale catastrophique de la Palestine depuis le gel des aides européennes et des autres sources de revenus renforce bien sûr encore ce risque d’embrasement : lorsqu’une population n’a plus de quoi manger, il est facile de recruter des combattants et des mercenaires, sans compter que le désespoir et la misère profite facilement aux dealers de l’opium du peuple. Du côté israélien, ce chaos n’est pas pour déplaire au nouveau gouvernement qui y trouve la justification « d’absence de partenaires » pour chercher à imposer sa vision du « retrait unilatéral » en Cisjordanie, retrait qui signifie en fait l’annexion de fait d’une bonne partie de la Cisjordanie.

L’existence, de fait et désormais officialisée, d’une force armée islamiste dans la bande de Gaza renforce les menaces sur les droits des femmes, et cela d’autant plus si la guerre civile éclate. Quant aux forces armées du Fatah, elles sont loin d’être une garantie : non seulement, plusieurs centaines de combattants de ce parti viennent de rejoindre le Hamas (source : l'Orient le Jour), mais ce parti ne propose en rien une alternative aux couches les plus pauvres et les plus exploitées de Palestine, ni des avancées pour ce qui est du droit des femmes. Ce qui se joue n’est en rien la perspective d’un affrontement révolutionnaire entre classes, mais bien un chaos entre bandes armées et factions dirigeantes rivales, chacune se battant pour son propre pouvoir, ses privilèges, sans compter les tensions entre Etats de la région et au-delà entre l’Iran et les USA, qui peuvent chercher à régler leurs différents par bandes armées interposées et généraliser ainsi le chaos à toute la région. C’est bien la perspective d’un sombre scénario de chaos et de barbaries qui semble poindre à l’horizon, le spectre d’une situation à l’algérienne, à laquelle se rajoutent l’occupation et les bouclages de l’armée israélienne, emprisonnant l’ensemble de la population dans une prison sanglante. En se souvenant de l’Algérie, on sait à quel degrés de barbarie a pu mener la guerre civile. Une fois le pays plongé dans la guerre civile, les bandes armées islamistes enlèveront vite le masque de respectabilité que cherche à se donner le Hamas, et, dans les zones sous leur contrôle, se livreront aux pires atrocités, en particulier contre les femmes. Et bien sûr, les bandes armées du Fatah, comme les militaires en Algérie, ne seront certainement pas en reste en matière de violences. D’ores et déjà les affrontements dans la Bande de Gaza ont fait des victimes dans la population civile, prise entre les coups de feu des groupes armés.

Les dirigeants palestiniens des deux factions rivales disent chercher à calmer le jeu, et qu’elles ne franchiront pas la « ligne jaune de la guerre civile ». Il est clair, comme le souligne Haaretz, que les dirigeants du Hamas et du Fatah auraient plus à perdre qu'à gagner dans cette guerre. Mais, comme la presse palestinienne, on peut se demander si elle n’est pas déjà franchie, et, quant bien même un calme apparent pourrait revenir dans les prochains jours, jusqu’à quand les appels au calme pourront empêcher la guerre ?

La faiblesse d’un mouvement ouvrier indépendant, qui permettrait au prolétariat d’intervenir sous son propre drapeau, ne laisse que peu d’espoir d’une possible alternative progressiste au sombre scénario qui se dessine en Palestine, et au-delà dans tout le Moyen-Orient. A moins que, dans les pays de la région où existent des organisations ouvrières sous direction communiste, comme en Iran et en Irak, une montée des luttes n’ouvre aux travailleuses, aux travailleurs et aux opprimé(e)s de la région la perspective de la révolution socialiste.

 



[1] http://libertefemmepalestine.chez-alice.fr/Gaza_guerre_civile.html