GAZA, 26 janvier - Les activistes du Hamas ont bruyamment célébré leur victoire électorale jeudi dans les rues de Gaza en tirant des coups de feu en l'air et en distribuant des bonbons aux habitants.

De leur côté, les militants du Fatah ont pris connaissance du désaveu que leur ont infligé mercredi lesélecteurs avec un mélange d'incrédulité, d'inquiétude et de résignation.

"Nos vies ne seront plus jamais les mêmes. Aujourd'hui, le ciel avait une couleur différente lorsque nousnous sommes réveillés. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle", a confié Saëb Erekat, chef desnégociateurs palestiniens avec Israël.

Des milliers de militants et sympathisants du Hamas, brandissant des drapeaux verts - couleur de l'islamet du mouvement - ont envahi les rues de Gaza à l'annonce par le mouvement de sa victoire, aussitôt concédéepar le Fatah.

Après la tombée de la nuit, des feux d'artifice rouges et jaunes ont illuminé le ciel de la bande de Gaza.

"Il faut que Mohamed Deïf devienne notre ministre de la Défense", crie de sa voiture un militantenthousiaste, se référant au chef de l'aile militaire du Hamas, les Brigades Kassam.

Deïf est le premier sur la liste des "terroristes" les plus recherchés par Israël, qui traque vainement cet"artificier" depuis des années, après avoir liquidé ses prédécesseurs.

"Bravo, l'islam a gagné!" s'auto-congratulent ici ou là des militants excités.

"C'est à notre tour de diriger, maintenant! Ceux qui ont versé leur sang pour défendre leur peuple ferontde leur mieux pour le servir", s'exclame Ahmed Saleh, un jeune Palestinien de 18 ans.

A travers les territoires palestiniens, les partisans du Hamas comme ses détracteurs avaient venu venirce qui apparaît autant comme la défaite du Fatah que le succès du Hamas.

"L'Autorité palestinienne n'a pas satisfait les besoins du peuple, aussi doit-elle tomber", explique AhmedEïssa, un réfugié du camp de Kalandia, en Cisjordanie.

Moussa, homme d'affaires à Bethléem, renchérit sur ce thème en dénonçant "l'échec et la corruption" del'Autorité autonome dirigée d'abord par Yasser Arafat puis, depuis la mort de celui-ci fin 2004, parMahmoud Abbas.

"Voyons donc ce que le Hamas peut faire", résume-t-il.

A Ramallah, un accrochage avec des partisans du Fatah a éclaté lorsque les militants du Hamas ont hissé undrapeau vert à l'entrée du parlement. Les partisans du Fatah l'ont déchiré puis certains l'ont piétiné,d'après un témoin.

Le Hamas ne doit pas seulement sa popularité à sa réputation d'intégrité et à ses actions sociales, maisaussi à son action armée contre Israël, qui a amené les Israéliens à abandonner la bande de Gaza.

Avant de commencer à envisager de faire la paix avec Israël, il y a une vingtaine d'années, le Fatah était,comme le Hamas aujourd'hui, voué à la destruction de l'Etat juif.

Pour Adel al Helo, commerçant à Gaza-ville, le Hamas va devoir évoluer. "Il va marcher sur le mêmechemin que ses prédécesseurs. Le processus de paix va continuer."

Quant à l'islamisme militant du Hamas, Oussame Halaf, restaurateur à Ramallah, pense que, là encore, lemouvement islamiste va devoir en quelque sorte "mettre du vin dans son eau".

Nidal al Moughrabi, Libération, 26 janvier 2006