Opération militaire israélienne au-delà de la frontière

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Voir aussi un texte écrit en mai sur les risques de chaos généralisé au Moyen-Orient


libLiban du Sud . Tsahal est entrée dans le pays après que le Hezbollah libanais a annoncé la capture de deux soldats israéliens. À Gaza l’offensive se poursuit. Au moins sept enfants palestiniens tués.

Israël ne s’attendait sans doute pas à devoir tenir son front nord au moment où ses troupes entraient dans la bande de Gaza comme dans du beurre. Le Hezbollah libanais a annoncé dans un communiqué avoir capturé mercredi matin deux soldats à la frontière avec Israël et vouloir les échanger contre des détenus en Israël. « Conformément à son engagement d’obtenir la libération des prisonniers et détenus, la Résistance islamique (bras armé du Hezbollah) a capturé à 9 h 5 (6 h 5 GMT) deux soldats israéliens à la frontière avec la Palestine occupée, et les deux prisonniers ont été transférés dans un lieu sûr », a-t-il indiqué.

L’armée israélienne a immédiatement répliqué

L’annonce de la capture a été accueillie par des tirs de joie dans des régions du Liban, dont la banlieue chiite de Beyrouth contrôlée par le Hezbollah et des camps de réfugiés palestiniens. Selon la police libanaise, les deux soldats ont été capturés en territoire libanais, dans la région de Aïta Al-Chaab, proche de la frontière israélienne, où une unité israélienne avait pénétré. Mais la télévision publique israélienne a indiqué qu’ils avaient été capturés près du moshav (ferme collective) Zarit en territoire israélien.

L’armée israélienne a immédiatement lancé une opération terrestre et aérienne en territoire libanais, la première de cette ampleur depuis le retrait militaire israélien du Liban du Sud en mai 2000. Deux civils libanais ont été tués et cinq blessés dans les tirs d’artillerie et les raids aériens qui se poursuivaient dans l’après-midi. L’armée israélienne a mené des raids aériens et bombardé à l’artillerie des infrastructures, dont trois ponts, et des positions du Hezbollah. La destruction des ponts a isolé le secteur occidental, notamment la région de Tyr (90 km au sud de Beyrouth), du reste du Liban du Sud. Tôt le matin, des dizaines de roquettes de type Katioucha et d’obus de mortier tirés à partir du Liban se sont abattus sur la haute Galilée, dans le nord d’Israël, faisant quatre blessés, selon une source militaire israélienne. L’armée a répliqué en bombardant à l’artillerie Aïta Al-Chaab et plusieurs localités frontalières du sud-ouest du Liban. Le Hezbollah a ensuite bombardé des positions de l’armée israélienne qui occupe les fermes de Chebaa, situées aux confins du Liban, de la Syrie et d’Israël. Le Hezbollah a annoncé la destruction de deux blindés, l’un à Aïta Al-Chaab et l’autre près du moshav Zarit.

Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, parle maintenant d’un « acte de guerre ». Pour lui, le gouvernement libanais porte l’entière responsabilité de cette action, du sort des soldats, et doit agir immédiatement pour les retrouver, les protéger et les restituer à Israël. Il a averti que la riposte à ces attaques depuis le Liban sera « très douloureuse » si son cabinet approuve de nouvelles actions militaires. Une division de réservistes israéliens, composée de six mille hommes, aurait déjà été rappelée. Le chef du gouvernement libanais, Fouad Siniora est, de son côté, entré en contact téléphonique avec le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, pour lui demander « d’empêcher une escalade de l’agression » israélienne, après un entretien avec le représentant de l’ONU au Liban qui a appelé à libérer les deux soldats, de même que le secrétaire d’État américain adjoint pour le Proche-Orient, David Welch, Paris et l’Union européenne. À Damas, le vice-président syrien Farouk Al Chareh, a estimé que l’escalade au Liban du Sud et dans la bande de Gaza était « due à l’occupation israélienne ».

Pour Israël le coup est d’autant plus rude qu’en octobre 2000, le Hezbollah avait capturé trois soldats israéliens dans le secteur des fermes de Chebaa, occupées depuis 1967. Leurs corps avaient été échangés quatre ans après, en janvier 2004, contre la libération de 430 prisonniers palestiniens et libanais, détenus dans les geôles israéliennes. Cela se produit alors qu’à l’évidence l’opération militaire entamée le 28 juin par l’armée israélienne dans la bande de Gaza pour, officiellement, retrouver le soldat israélien capturé le 25 juin, ne porte pas ses fruits. Le désastre humanitaire est imminent au sein de la population palestinienne, la détermination à résister grandit toujours plus, l’image du Hamas se renforce et celui qui, y compris aux yeux de la communauté internationale, restait le seul interlocuteur valable, à savoir le président Mahmoud Abbas, voit son poids politique diminuer chaque jour un peu plus.

Crimes de guerre et des violations du droit humanitaire

Mais Ehud Olmert n’en a cure. La seule chose qui compte pour lui semble être la mise en place de son plan unilatéral en Cisjordanie, qui obérera l’existence d’un véritable État palestinien avec une continuité territoriale entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, Jérusalem-Est comme capitale et la prise en compte du droit au retour des réfugiés palestiniens. Au lieu de négocier, Olmert fait donner son aviation, tuant toujours plus de civils. Des actions qui, au dire même de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), s’apparentent à des crimes de guerre et des violations graves du droit humanitaire. Mercredi, l’armée israélienne a intensifié son offensive, larguant une bombe de 250 kg sur une maison dans une tentative d’assassinat contre plusieurs dirigeants du Hamas, dont Mohammed Deif, qui aurait été blessé. Mais la frappe israélienne a détruit une habitation faisant neuf morts, tous membres d’une même famille. La demeure appartenait à un universitaire membre du Hamas. Il a péri en même temps que sa femme et sept de ses neufs enfants. Les secouristes ont retiré des décombres le corps déchiqueté d’un garçonnet de quatre ans vêtu d’un tee-shirt rouge. Ils remplissaient des sacs avec des restes humains, tandis que des témoins, sous le choc, étaient assis à même le sol. Les enfants avaient de 4 à 18 ans, le plus ancien était handicapé physique.

Pierre Barbancey, L'Humanité, 13 juillet 2006