Pendant que l'impasse se
prolonge entre le gouvernement du
Hamas d'un côté, Israël et les pays occidentaux de
l'autre, la Palestine, ou
plutôt ce qui s'en voulait la préfiguration, part en
lambeaux. L'Autorité
palestinienne est, démocratiquement, tombée aux mains des
islamistes pour
s'être montrée inégale à sa tâche
historique d'instaurer une vie décente,
matériellement et civiquement, dans les territoires
placés sous sa
responsabilité. Après Gaza, c'est toute la Cisjordanie
qui est aujourd'hui
menacée de favellisation accélérée,
mélange de misère et de non-droit
généralisé. Dans cette dérive, il y a sans
doute un point de non-retour et la
question est de savoir dans combien de temps il sera atteint. A moins
qu'il ne
soit déjà dépassé. Cette
situation était prévisible. Le Hamas poursuit la
politique de confrontation
pour laquelle il a fait campagne, refusant les accommodements minimums
qui
auraient pu permettre au moins un prolongent du statu quo. Israël,
comme
annoncé, a coupé les ponts ou plutôt la mince
passerelle qu'il maintenait
avec les institutions palestiniennes. Bush a fait de même et les
Européens
aussi, malgré des scrupules chez certains comme les
Français. Les
manifestations du Hamas, après l'attentat de Tel-Aviv, ou avec
la nomination
d'un responsable recherché pour faits de terrorisme comme
«superviseur» des
services de sécurité ont pour longtemps dissuadé
tout essai de temporisation. De toute
évidence, le chemin de la paix a toujours été
lié, dans les territoires
relevant de l'Autorité, à un développement
économique et social dont ce restera
la grande faute du Fatah de ne pas avoir su assurer ne serait-ce que
les
préliminaires. Or c'est exactement dans la direction inverse
qu'on avance. La
Palestine, qui part pourtant de bien bas, est désormais en voie
de
sous-développement objectif. Avec ses bravades
«militaires», le Hamas construit
un champ de ruines. La fermeté «antiterroriste» des
Occidentaux l'y aide.
Libération, 22 avril 2006 |