Après
l’arrêt des combats au Liban, l’armée et le gouvernement
israéliens ont
visiblement du mal à faire passer leur opération
militaire pour un
succès. Elle a été déclenchée
officiellement pour délivrer les deux
soldats israéliens faits prisonniers par le Hezbollah, sans
même
envisager l’échange avec des prisonniers libanais que celui-ci
proposait et qu’Israël avait déjà accepté
dans le passé. Mais les près
de 1200 morts faits du côté libanais, la destruction de
tout un pays,
et en retour les près de 120 morts qu’a comptés
finalement l’armée
israélienne, auxquels s’ajoutent les 41 victimes civiles
israéliennes
des bombardements du Hezbollah, n’ont même pas permis de
récupérer ces
deux prisonniers. La ministre israélienne des Affaires
étrangères a dû
reconnaître que maintenant Israël devra accepter de
négocier l’échange
de prisonniers auquel il s’est refusé au début.
En fait, les deux soldats
faits prisonniers n’auront été qu’un
prétexte servant à justifier, aux yeux de la population
israélienne,
l’attaque à laquelle s’est livrée son armée. Si
l’objectif d’Israël
n’avait été que de récupérer ses deux
soldats, son armée ou son
gouvernement auraient pu chercher à le faire sans
détruire pour cela
tout un pays. En fait, ils ont saisi l’occasion de se lancer dans une
démonstration à l’usage des peuples palestinien, libanais
et arabes en
général, pour signifier qu’ils n’hésiteront pas
à détruire un pays,
voire à massacrer son peuple, quand ils le voudront. C’est cette
affirmation brutale du droit du plus fort qui, depuis des
années, tient
lieu de politique pour Israël.
L’accord sur une
résolution proclamant l’arrêt des combats
avait été repoussé depuis des semaines par les
grandes puissances, et
en particulier par les États-Unis qui expliquaient crûment
qu’il
fallait laisser le temps à l’armée israélienne de
finir son travail,
c’est-à-dire le temps d’écraser le Hezbollah. Mais la
prolongation de
l’offensive israélienne, la résistance inattendue qu’elle
rencontrait,
les pertes importantes subies par son armée, son
incapacité à arrêter
les tirs de roquettes sur le nord d’Israël étaient en passe
de
transformer la démonstration de force en démonstration
d’impuissance.
C’est sans doute pourquoi Israël et les États-Unis ont
cessé de
s’opposer au vote d’une résolution par l’ONU, permettant
à celle-ci
d’être enfin votée.
Mais cette guerre, comme les
précédentes, risque bien de ne
faire qu’en préparer une autre. Car ni la résolution de
l’ONU ni les
grandes puissances ne disent rien qui puisse imposer à
Israël de régler
les problèmes en suspens. Or le principal est bien la politique
d’agression permanente d’Israël contre les Palestiniens. Ce n’est
ni
l’existence du Hezbollah ni la politique de l’Iran ou de la Syrie.
Cette politique des
gouvernants israéliens sert les grandes
puissances, car elle leur permet d’entretenir une menace permanente
envers les régimes des pays de cette région,
stratégique pour leurs
approvisionnements pétroliers. Ces grandes puissances n’ont pas
intérêt
à chercher une solution aux conflits qui opposent Israël
à ses voisins.
Tant que l’état de guerre dure, la population israélienne
se sent dans
la situation d’un peuple assiégé, n’ayant comme
alternative que de
soutenir la politique belliqueuse de ses dirigeants. C’est ce qui fait
d’Israël un allié irremplaçable pour les puissances
occidentales, bien
plus fiable que leurs alliés des régimes arabes de la
région.
L’intérêt
véritable de la population israélienne serait de
chercher les moyens d’une coexistence fraternelle avec les peuples qui
l’entourent, palestinien, libanais, et arabes en général.
Cela
impliquerait de rompre avec la politique que mènent ses
dirigeants et
qui fait d’elle de la chair à canon pour des
intérêts qui ne sont pas
les siens.
Cette nouvelle guerre du
Liban, les massacres et destructions
auxquels s’est livrée délibérément
l’armée israélienne auront
malheureusement encore creusé le fossé de haine qui
sépare les peuples
des pays arabes de celui d’Israël. Il reste à souhaiter que
le résultat
douteux de l’action militaire israélienne contribue à
ouvrir les yeux
de sa population sur la politique à laquelle on
l’enchaîne.
Arlette LAGUILLER, Lutte Ouvrière, 18 août 2006 |