Rapport alternatif des ONG en réponse à la « liste des débats et questions en vue des considérations des rapports périodiques » (CEDAW/PSWG/2005/II/CRP.1/Add.7)

L’implication d’Israël dans la convention de l’ONU pour l’élimination de toutes les formes de discriminations envers les femmes (CEDAW) dans les Territoires Palestiniens Occupés.

Réalisé en mai 2005 pour le Comité pour l’Elimination des Discriminations Envers les Femmes.

Par : Al-Haq (La loi au service de l’homme),
le Centre Palestinien pour les Droits Humains (PCHR)
et le Centre des Femmes pour l’Aide et le Conseil Juridiques (WCLAC)

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Introduction

Violence contre les femmes
(sur les conditions de détention)

Education et préjugés Santé
Constitution, législation et rouages nationaux
pour la promotion des femmes
Témoignages (à venir)
Témoignages
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Violence contre les femmes

 

Question 8 : Dans l’annexe de son rapport du 3 mars 2004 (E/CN.4/2004/66/Add.1), la rapporteuse spéciale de la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, a noté deux incidents séparés en 2003 à propos de violences directes à l’encontre de détenues dans les prisons Nevi Tretza de Ramleh (paragraphe 103-105). Merci de nous fournir des informations sur ces incidents, tout comme une vue générale des la situation des femmes dans les prisons avec des données statistiques.

 

  1. Incidents avec violences contre des femmes à la prison de Nevi Tretza

Dans la matinée du 25 octobre 2003, Amneh Muna, qui était à la prison Nevi Tretza à Al-Ramleh, fit une réclamation lors de l’appel des prisonniers par l’administration pénitentiaire, en présence d’un fonctionnaire masculin appelé Asher et de deux surveillantes féminines, Dina et Sireet Caravani. A cause de sa réclamation, Asher sanctionna Amneh en l’envoyant au quartier d’isolement, déclarant qu’elle l’aurait insulté. Elle fut alors inspectée par une fouille au corps faite par une surveillante qui menait cette inspection avec un zèle particulier. Dès qu’Amneh arriva dans sa cellule d’isolement, on lui demanda de se déshabiller devant Sireet et Asher et en présence de deux autres surveillants masculins derrière la porte. Amneh refusa à cause de la présence de Asher. Devant le refus insistant de Amneh de se déshabiller, Sireet menaça de la déshabiller de force en présence des surveillants masculins.

Sireet partit et revint cinq minutes plus tard dans la cellule d’Amneh avec cinq gardiens, des hommes et des femmes. Les gardes ont attaqué Amneh, l’ont cogné sur tout son corps et l’ont aspergé de grande quantité de gaz lacrymogène. Elle tomba au sol, et les gardiens l’ont brutalement battue, lui causant des blessures à la tête et au nez. Puis, ils lui ont lié les pieds et les mains derrière le dos. Sireet déshabilla Amneh en présence des gardiens masculins, lui retira sa blouse, les boutons de son pantalon et l’a inspectée alors qu’elle était couchée sur le sol, pleurant et criant. Après cet épisode, Amneh fut enfermée pour trois semaines en quartier d’isolement[i]. Elle a subi à plusieurs reprises de tels actes pendant cette période, ce qui lui a causé des problèmes de dos.

Le 27 octobre 2003, une dispute a éclaté entre plusieurs femmes prisonnières (dont Aïcha Ibayat, Samar Bader, Omaya al-Damaj, Wasfiyeh abou Ajamiyah et Raeda Jad Allah) et les gardiens de prison israéliens à cause des protestations des prisonnières suite aux fouilles humiliantes qu’elles devaient subir. L’administration pénitentiaire a répondu à cette dispute en faisant intervenir une unité de sécurité (la force Nakhshoun), spécialisée dans la répression des prison. La force était composée d’une vingtaine de personnes qui ont attaqué les prisonnières, les ont battues avec des matraques et les ont aspergées d’eau avant de les isoler pendant 21 jours[ii].

 

  1. Nombre de femmes palestiniennes en prison

En avril 2005, il y avait 123 femmes palestiniennes prisonnières dans la prison israélienne Telmond Hasharon. Ces 123 détenues ont toutes été transférées dans cette prison : 42 d’entre elles ont été jugées, 73 sont en détention et 8 sont en détention administrative (sans condamnation ni procès). Sept d’entre elles sont mineures et treize sont mariées et mères de famille[iii].

Un bon nombre de femmes palestiniennes prisonnières n’ont pas été jugées mais on été condamnées à la détention administrative. Par exemple, Ikram Al-Tawil a été arrêtée le 17 octobre 2003 et a été condamnée à cinq mois de détention administrative ; cette période a été reconduite pour six nouveaux mois. De nombreuses femmes palestiniennes prisonnières sont condamnées à la détention administrative pour faire pression sur leurs époux qui sont recherchés par les autorités israéliennes. C’est le cas d’Asma’ Abou al-Haija, du camp de réfugiés de Jénine, mère de six enfants, qui souffrait d’une tumeur au cerveau lorsqu’elle a été arrêtée. Depuis son emprisonnement, elle n’a jamais été examinée par un médecin. L’administration pénitentiaire ne lui a pas donné de place en prison, et elle fut obligée de dormir par terre. Suhair Jaber, elle aussi détenue pour faire pression sur son mari, a aussi été forcée à même le sol.

 

  1. Discrimination sexuelle et traitements cruels, inhumains ou dégradants à l’encontre de femmes palestiniennes prisonnières.

·        L’administration pénitentiaire maltraite les femmes prisonnières pendant leur grossesse et ne leur apporte pas les soins pré-nataux et post-nataux nécessaires. Mirvet Taha et Manal Ghanem ont toutes les deux accouché en prison. Malgré leurs grossesses, il leur fut refusé à toutes les deux un traitement spécial et un régime essentiel pour femmes enceintes. Le 7 février 2003, Mirvet Taha, âgées de 20 ans, commença à accoucher. Elle fut emmenée à l’hôpital avec les mains attachés et accompagnés de six surveillants, hommes et femmes. Ses mains et pieds furent toujours attachés lorsqu’elle fut sur le lit de délivrance. Ses requêtes répétées pour avoir sa mère et son mari près d’elle lors de l’accouchement furent rejetées par l’administration pénitentiaire. Mirvet fut forcée de quitter l’hôpital un jour après l’accouchement, et elle ne pu pas partir avec son bébé, Wael, qui dû rester à l’hôpital un jour de plus. Wael vécut avec sa mère en prison dans des conditions très difficiles. L’administration pénitentiaire n’a pas fournit à Mirvet les choses nécessaires à Wael, comme de la nourriture, des habits, un berceau ou des jouets. Son père ne fut pas autorisé à le prendre lors des visites. Mirvet Taha rapporte que son fils est très nerveux, qu’il se gifle le visage et celui de sa mère, et qu’il ne cesse pas de crier et de pleurer.

Manal Gahem souffre toujours avec son fils Nour (1 an1/2) des difficiles conditions de détention de la prison de Hasharon. Nour a besoin d’un traitement médical particulier, et il a déjà subi une opération, mais l’administration pénitentiaire continue de refuser une seconde opération pour Nour.

·        Les besoins intimes des femmes prisonnières ne sont pas respectés. Par exemple, Nour Abou Hijleh a eu ses règles le deuxième jour de son interrogatoire au camp militaire d’Huwwara. Bien qu’elle en ait fait la demande, on a refusé de lui fournir les articles sanitaires nécessaires. On lui a aussi refusé l’accès à un médecin pour traiter ses saignements excessifs et de lui donner des médicaments. Nour a été obligée d’utiliser des bandeaux pour les yeux utilisés par les prisonniers interrogés avec elle comme serviettes hygiéniques. Interrogée, Nour dit combien elle s’est sentie humiliée par cette expérience. Elle déclare aussi que les soldats, hommes et femmes, tracassaient délibérément les femmes prisonnières et utilisaient des jurons devant elles[iv].

·        L’administration pénitentiaire fait des fouilles déshabillées des femmes, où elles doivent retirer tous leurs habits, lorsqu’elles sont emmenés au ou reviennent du tribunal. Si la prisonnière refuse, elle est déshabillée de force. L’administration pénitentiaire n’a pas répondu à la demande répétée des prisonnières de mettre fin à de telles fouilles à cause de l’humiliation et de l’insulte que créent de tels actes, en particulier pour les mineurs.

·        L’administration pénitentiaire permet aux gardiens masculins d’entrer et de fouiller dans les cellules des prisonnières sans prévenir, et sans respecter leur intimité. Les gardiens entrent fréquemment dans les cellules alors que les prisonnières dorment. Les prisonnières ont protesté de façon répétée  contre de telles actions à l’administration pénitentiaire qui n’y a pas encore répondu. (…)

 

  1. Exploitation des craintes des femmes détenues en utilisant les normes et traditions patriarcales de la société palestinienne et les stéréotypes de genre.

 

·        Les enquêteurs israéliens menacent délibérément les prisonnières palestiniennes de viol pendant les interrogatoires et leur disent que comme toutes les femmes arabes musulmanes sont interrogées par des hommes elles seront condamnées par la société conservatrice où elles vivent. Aussi, elles ont a avoué et à dire rapidement tout ce qu’elles savent. Cette méthode est systématiquement utilisée par les enquêteurs israéliens. Les détenues rapportent que telles menaces poussent les femmes prisonnières, en particulier les plus jeunes, à avouer et à donner de fausses informations de peur que les menaces soient mises à exécution[v].

·        Les femmes prisonnières palestiniennes doivent subir les cris et les insultes des matons qui leur font sentir que de part leur statut inférieur de femmes, elles doivent obéir aux ordres des gardiens et officiers. Le 28 mars 2003, Aïcha Ibayat, alors âgée de 16 ans, refuse d’être transférée en quartier d’isolement pour n’avoir pas répondu à un gardien qui lui criait dessus. Lorsqu’elle refusa, le gardien devint hystérique et hurla : « Ici je suis l’homme et lorsque jarrive toutes les prisonnières doivent être effrayées et trembler, spécialement les plus jeunes ! ». il ajouta : « Tu ne représentes rien pour moi et tu ne dois pas être dans les chambres. Ta place est en cellule d’isolement ». Puis, Aïcha fut violemment battue et isolée pendant une semaine[vi].

 

  1. Vue générale des conditions de détention

Les conditions de détention auxquelles sont soumises les femmes palestiniennes prisonnières sont pires que les conditions vue auparavant pour la prison de Nevi Tretza à Al-Ramleh.

·        L’administration pénitentiaire utilise les coups pour répondre aux demandes des prisonniers palestiniens. A la mi-juillet 2003, 25 prisonnières de la prison Nevi Tretza ont protesté contre le refus de l’administration de transférer cinq prisonnières du groupe d’Amneh Muna vers le groupe d’Areej Shahbari. Les 25 prisonnières ont refusé de répondre à la procédure administrative d’appel des détenus. L’administration a réagit en faisant venir une force de 50/60 hommes avec armes, matraques et jets d’eau. Ces hommes sont entrés dans les cellules des détenues, les ont prises par les cheveux, poussées dans le couloir, jetées sur le sol et ont commencé à les battre et à les asperger d’eau. Qahira Al-Saidi rapporte que les membres de cette force l’ont tirée par les cheveux de la cellule au couloir et l’ont battue sur tout le corps, lui cassant la main gauche. Après avoir battu les prisonnières, ils les ont renvoyées dans leurs cellules avec les mains et les pieds attachés. L’administration pénitentiaire a confisqué tout ce que contenaient leurs cellules, y compris les lits, la nourriture, les frigos et ventilateurs. Cette punition a continué pendant deux semaines, et on leur a interdit toute visite des familles et d’acheter quoique ce soit à la cantine de la prison. Après deux semaines, tous les biens confisqués ont été rendus et les cinq prisonnières transférées vers le groupe d’Areej Shahbari[vii].

·        Les femmes palestiniennes prisonnières politiques sont aussi soumises au harcèlement des prisonnières de droit commun israéliennes, séparée d’elles uniquement par un couloir. (…) Ces prisonnières israéliennes de droit commun jettent leurs ordures sur les prisonnières palestiniennes lorsqu’elles passent près d’elles. Les prisonnières palestiniennes affirment que l’administration pénitentiaire d’intervient pas lors de telles agressions. Au contraire, elle traite différemment les prisonnières israéliennes, leur donnant de nombreux droits qui sont refusés aux prisonnières palestiniennes en terme d’accès aux soins médicaux, de qualité et de quantité de nourriture, et du droit aux visites.

·        Les prisonnières palestiniennes n’ont pas d’habits adéquats, puisque l’administration pénitentiaire ne permet pas aux familles d’apporter plus de deux pièces de chaque habit qui doivent être de couleur sombre. De plus, celles qui reçoivent de nouveaux vêtements lors des visites de leurs familles doivent en même temps redonner leurs anciens vêtements à leurs familles.

·        Les prisonnières palestiniennes ne disposent pas des soins nécessaires ou de repas appropriés. On leur donne des repas inappropriés tant en qualité qu’en quantité, ce qui cause des maladies digestives chez beaucoup de prisonnières. Un bon nombre d’entre elles souffrent de maux de dos à cause des matelas vieux et inconfortables. La clinique de  la prison fut au départ constituée pour les prisonniers de droit commun, dont une bonne partie sont des toxicomanes, et la clinique n’est donc pas adéquate pour soigner d’autres maladies. De plus, la clinique n’est pas propre et les docteurs ne sont pas présents régulièrement. Dans la plupart des cas, les prisonnières sont soignées par des infirmières et pas par des médecins.

·        Le 26 octobre 2004, Thawriya Hamoud fut prise de spasmes et demanda à voir le docteur. Comme d’habitude, le docteur n’était pas présent à la clinique, et une infirmière lui conseilla de boire beaucoup d’eau. De plus, si certains cas nécessitent un psychiatre ou un autre spécialiste, l’administration pénitentiaire n’offre pas toujours ces services. Par exemple, le seul traitement en prison pour des caries dentaires est l’arrachage de la dent. Latifa AZs-Saidi a été en prison pour deux  ans : pendant cette période elle souffrait de caries dentaire qui ont été soignées par l’arrachage de six de ses dents.

·        Les visites familiales sont très importantes pour les prisonnières palestiniennes et elles souffrent énormément lorsque l’administration pénitentiaire les prive de ces visites. (…) Et même lorsque les visites sont autorisées, les familles doivent attendre pendant des heures avant d’être autorisées à voir leurs filles. Les prisonnières sont séparées de leurs familles par une barrière en verre et des barres de fer, ce qui empêche une vision claire. Les restrictions aux visites familiales causent une véritable souffrance pour les mères qui sont privées de rencontres avec leurs enfants ou du droit de les toucher et de les embrasser.

·        L’administration pénitentiaire soumet les avocats des prisonnières à des inspections corporelles humiliantes lorsqu’ils entrent dans la prison et les fait souvent attendre de longues heures avant de leur permettre d’entrer dans la pièce prévue pour les rencontres avocat/prisonnier. La communication lors de telles rencontres se fait à travers une barrière vitrée et des barreaux qui séparent les avocats des prisonniers. De plus, l’administration pénitentiaire ferme intentionnellement la pièce des avocats et retient les avocats pendant un long moment après leurs visites. En bref, les autorités pénitentiaires cherchent à réduire le nombre d’avocats qui visitent les prisonniers en les harcelant pendant leurs visites.

 

De tels exemples ne sont pas des cas isolés, mais plus des illustrations des types de problèmes auxquels doivent faire face les femmes prisonnières politiques.




[i] Pour plus d’informations, voir Al-Haq Affidavit N°44505 (Unité juridique), Amneh Muna.

[ii] Pour plus d’informations, voir Al-Haq Affidavit N°41505 (Unité juridique), Aïcha Ibayat

[iii] Statistiques du rapport mensuel d’avril 2004 du Ministère Palestinien des prisonniers et ex-prisonniers.

[iv] Al-Haq Affidavit N°11203 (Unité juridique), Nour Abou Hijleh.

[v] Al-Haq Affidavit N°2711004 (Unité juridique), Lina Ahmad Jarbouneh

[vi] Al-Haq Affidavit N°32403 (Unité juridique), Amneh Muna.

[vii] En 2003, les femmes palestiniennes prisonnières étaient divisées au sein de la prison en deux groupes : l’un dirigée par Amneh Muna et le second par Areej Shahabari. En 2005, le second groupe fut dirigé par Lina Jarbouni. Cette division se fait habituellement à la demande des prisonnières palestiniennes et non de l’administration pénitentiaire.