Droit des femmes en Palestine

(Autorité Palestinienne et Territoires Occupés par Israël)

Par Suheir Azzouni



Retour Page d'Accueil

Sommaire :

Introduction          
Non-discrimination et
accès à la justice

Droits économiques et égalité réelle
Droits politiques et voix civile
Droits culturels et sociaux

Autonomie, sécurité et liberté de la personne

Le troisième paragraphe de la constitution (la loi de base) garantit la liberté de religion, de la pratique religieuse et de la pensée. Chrétiens et musulmans vivent ensemble de façon pacifique en Palestine, avec peu de problèmes de discriminations religieuses. Il y a des exemples de mariages chrétiens-musulmans, même si de tels mariages sont plus faciles entre une femme musulmane et un homme chrétien, puisque ces femmes peuvent rester chrétiennes[i]. Les femmes musulmanes ne peuvent pas se marier avec des chrétiens, à moins que l’homme ne se convertisse à l’islam.

Les femmes en Palestine ne jouissent pas d’une totale liberté de mouvement. La réglementation jordanienne sur le passeport, qui était en application en Cisjordanie avant les accords d’Oslo en 1993, impliquait que la femme devait avoir l’autorisation écrite de ses « gardiens » afin d’obtenir un passeport. Cette loi a été abrogée lorsque le Comité Technique aux Affaires Féminines a mené une campagne de cinq mois en 1996 sur ce sujet. La campagne s’est terminée par le droit des femmes à avoir un passeport sans l’autorisation de ses gardiens à partir de l’âge de 18 ans[ii]. Cependant, alors que les femmes sont fières de ce changement de législation qui fait que leurs droits sont respectés, les fonctionnaires du ministère de l’intérieur continuent machinalement de demander l’autorisation écrite aux femmes.

Les changements politiques, économiques et les conditions sociales affectent aussi la mobilité des femmes. Le nouveau mur de séparation en construction et les 123 check-points en Cisjordanie et à Gaza empêche la liberté de circulation de tous les Palestiniens. Es check-points israéliens ont empêché des femmes d’accéder à des hôpitaux et à des centres de soin alors qu’elles étaient sur le point d’accoucher, et empêchent aussi le libre accès aux écoles et à l’emploi, en particulier dans les zones où il n’y a pas d’écoles secondaires et où l’emploi nécessite de se déplacer d’un village ou d’une ville à une autre. La loi familiale en vigueur restreint aussi la liberté de mouvement des femmes. Même si elles sont rarement invoquées, une partie des lois jordaniennes et égyptiennes sur la famille parle de « foyer d’obéissance », force la femme de retourner dans la maison de son mari et lui interdit de quitter le pays si son mari obtient un ordre judiciaire en ce sens.

La loi du statut personnel jordanien de 1976 est toujours en application en Cisjordanie, tout comme la loi égyptienne[iii] sur les droits de la famille à Gaza[iv]. Ces lois sont discriminatoires pour toutes les questions relatives au mariage, au divorce et à la garde des enfants[v].

Selon l’interprétation locale de la charia islamique, les femmes peuvent obtenir de nombreux droits dans le cadre du mariage si elles les font spécifier dans le contrat de mariage. Cependant, les traditions présentes découragent de nombreuses femmes de faire inscrire ces droits[vi]. Les hommes évitent de se marier avec une femme qui a le droit de divorcer, et les familles découragent les femmes de demander des conditions qui peuvent faire fuir le promis. Il est à noter, de plus, qu’en 1999, une étude du PCBS[vii] montre que plus de la moitié des femmes mariées (55,5%) ont elles-mêmes choisit de se marier (43,5% en Cisjordanie et 78,7% à Gaza). Ce sont les parents qui ont pris la décision du mariage dans 39,8% des cas, et 2,6% des femmes interrogées disaient que c’est leur frère ou leur sœur qui a pris lac décision pour elles. L’étude montre que parmi celles qui ont pris elles-mêmes la décision de se marier, 63,7% viennent de zones urbaines et 36,0% de zones rurales.

Il n’y a pas de pratique connue d’esclavage des femmes en Palestine et il n’y a pas de loi concernant l’esclavage. De même, il n’y a ni loi ni règlement protégeant spécifiquement les femmes contre la torture et les châtiment cruels, inhumains ou dégradants.

La violence contre les femmes est souvent rapportée par les institutions féminines locales et elle semble être en hausse pendant les périodes de troubles politiques et économiques dans les territoires. Actuellement, il n’y a ni lois ni textes spécifiques pour protéger les femmes contre la violence domestique dans les territoires ; cependant, la violence est punissable, qu’elle soit dirigée contre des hommes ou des femmes, et les femmes peuvent utiliser ces textes-là pour saisir le système judiciaire. Même si les femmes pourraient utiliser des lois existantes et neutres sur les questions de genre comme le code pénal pour obtenir justice, plusieurs facteurs expliquent pourquoi les femmes battues, agressées, violées et menacées n’utilisent pas ces lois contre ceux qui leur font subir des violences, comme les normes sociales qui blâment la femme qui dénonce les violences qu’elle subit à la police ; le sentiment qu’une femme doit rester silencieuse à cause des enfants ou parce qu’elle n’a pas d’autre endroit que le domicile conjugal ; et l’absence de foyers. Il y a actuellement un seul foyer à Naplouse et un second en cours de construction dans la région de Bethlehem[viii].

Une proposition de code criminel[ix] devrait punir ceux qui commettent des actes de violences physique, mais cette proposition de loi ne spécifie ni le genre du coupable ni sa relation avec la victime. Les législations jordaniennes et égyptiennes en application punissent déjà les coupables sans préciser le sexe de la victime ou du coupable[x]. Les chiffres provenant des organisations de femmes qui s’occupent des questions de violence en Cisjordanie et à Gaza indiquent qu’elles traitent des centaines de situation où les femmes sont victimes de violence sexuelle, physique ou psychologique. Environ 30% de ces situations concernent des femmes ou des filles célibataires qui vivent chez leurs parents. Selon les chiffres de la Société des Femmes Travailleuses de Ramallah, dans 75% des cas d’agressions sexuelles il s’agit de femmes victimes de proches. Un grand nombre d’organisations de femmes expriment librement leurs positions sur la violence et les difficultés des femmes face à des lois et politiques discriminatoires[xi]. Les organisations de femmes en Palestine offrent tout un panel de services, du lobbying et du travail de défense aux formations et aux écoutes psychologiques.

 

Recommandations :

  1. Le Conseil Législatif Palestinien doit réaliser un code de la famille qui garantit aux femmes une pleine égalité de droit dans tous les domaines, et en particulier sur les questions de mariage, divorce et garde des enfants.
  2. L’âge minimum du mariage doit être de 18 ans, tant pour les femmes que pour les hommes.
  3. L’Autorité Palestinienne et le Conseil Législatif Palestinien doivent abolir les lois qui renforcent le statut inférieur des femmes, en particulier la loi sur la « maison d’obéissance » et celles sur les « crimes d’honneur » qui permet des peines allégés pour les meurtres commis au nom de l’honneur.
  4. L’Autorité Palestinienne et le Conseil Législatif Palestinien doivent introduire de nouvelles lois afin de protéger les femmes contre toutes les formes de violence, tant au domicile que dans les lieux publics, et créer des unités spéciales dans les commissariats pour traiter les questions de violence familiale.



[i] Il y a plusieurs cas où des couples se sont secrètement mariés deux fois, une fois de façon musulmane et une autre de façon chrétienne. De telles unions sont plus fréquentes dans les villes, en particulier à Ramallah. Cependant, dans les cas de divorce, c’est la loi musulmane sur le divorce qui prévaut. Il n’y a pas d’exemples connus de musulmans convertis au christianisme.

[ii] « Lettres du Ministère de l’Intérieur au Centre » (WATC, Archives, lettre n° 538, 2 février 1996).

[iii] Voir http://www.laws.emory.edu/IFL/legal/palestine.htm. Gaza : Age de mariage 15 ans pour les femmes et 16 ans pour les hommes. Gardiennage : le gardien donne son accord et s’il n’y en a pas, c’est le Qadi qui assume ce rôle. Polygamie : la loi permet à la femme de stipuler dans le contrat de mariage qu’elle n’acceptera pas que son mari se marie avec une autre et peut dans ce cas demander le divorce. Divorce : la femme peut demander le divorce si elle est blessée. Pensions après le divorce : aucune pension alimentaire en cas de talaq arbitraire et aucune autre obligation de subvenir aux besoins de la femme. Garde des enfants : loi Hanafi qui permet une extension limitée du droit de garde à la mère pour les filles jusqu’à onze ans et jusqu’à neuf ans pour les garçons.

[iv] Voir http://www.laws.emory.edu/IFL/legal/palestine.htm. Sont aussi en application à Gaza, la loi du tribunal de la Charia N°12/1965 (Bande de Gaza), la loi N°13/1962 sur l’obligation d’héritage (Bande de Gaza), et la décision administrative N°78/1995 sur le Qadi al-Quda (sur l’âge du mariage – Bande de Gaza).

[v] Voir http://www.laws.emory.edu/IFL/legal/palestine.htm Cisjordanie : âge légal pour le mariage : La loi du statut personnel jordanienne toujours en application en Cisjordanie permet le mariage des filles à partir de 14 ans et 7 mois et à partir de 16 ans pour les garçons.

Droits des femmes mariés : selon la loi jordanienne toujours en application dans les Territoires Occupés, une femme a le droit d’utiliser et de conserver tous les revenus provenant de son propre travail et de ses héritage, alors que les revenus de l’homme doivent servir à subvenir aux besoins de sa famille. En réalité, la plupart des femmes qui travaillent subviennent aux besoins de leurs familles (…). La polygamie est autorisée : un homme peut prendre jusqu’à quatre femmes si il leur donne un traitement égal, mais il n’y a aucune réglementation qui définit ce qu’est un tel traitement.

Divorce : le divorce est régit à la fois par la loi sur le statut et la Charia. L’article 108 de la loi du statut personnel de 1976 légifère sur une séparation appelée Mokhala’a, où l’accord du mari est demandé pour permettre la dissolution du mariage, et où la femme doit redonner la dot qu’elle a reçu. Mais cette forme de divorce implique l’accord du mari. Selon la Charia, il y a deux types de divorces, talaq ou khul’. La plupart des mariages se finissent par le talaq prononcé par le mari, qui selon la loi actuelle peut être prononcé hors d’un tribunal. Le talaq est la répudiation de la femme par l’homme, la femme n’a rien à dire. Même si la loi jordanienne du statut personnel de 2001 garantit à la femme le droit de divorcer selon la manière appelée khul’, cette loi ne s’applique pas en Cisjordanie. Après le divorce, et bien que la femme ait le droit d’avoir ses besoins assurés pendant un an, il n’y a aucun texte sur le partage des biens accumulés pendant le mariage. De même, aucune règle claire n’existe pour assurer le versement d’une pension à cause du peu d’application des lois dans la situation politique actuelle.

[vi] Une femme peut demander que plusieurs conditions soient inscrites au contrat de mariage, comme le droit de divorcer, des compensations financières en cas de divorce, et l’accès au travail et à l’éducation. Les femmes évitent de profiter des avantages de ces droits reconnus par la charia islamique à cause des normes sociales et des traditions. Les hommes ont généralement honte qu’une femme demande de telles garanties dans le contrat de mariage, et c’est pourquoi elles se trouvent si vulnérables après le divorce.

[vii] « Femmes et travail en Palestine : une étude sur le travail gratuit et payé sur la base des statistiques de 199-2000 » (en arabe). Ramallah, Palestine : Bureau Palestinien Central des Statistiques.

[viii] Les structures juridiques, majoritairement dominées par des hommes, rendent difficile pour une femme de se tourner vers elles pour demander de l’aide ; il y a quelques cas où des femmes ont été placées en prison pour protéger leurs vies contre des membres de leurs familles qui voulaient les tuer. Plusieurs organisations de femmes offrent des services téléphoniques pour les victimes de violence, mais aucune ne parvient à assurer une protection rapide à cause du manque de ressource de ces organisations.

[ix] Loi n°93/2001 (articles 239, 240, 241, 242 et 243).

[x] Actuellement, il n’y a aucune loi palestinienne qui protége les femmes contre les violences dans les lieux de travail. Il n’y a pas non plus de texte claire à propos des agressions sexuelles dans les rues ou les lieux publics, même si, au cas où une femme dénonce un tel acte, la police place le coupable en prison.

Les articles 257, 258, 259 et 260 du code criminel proposé parle de condamnations pour viol et inceste. Les coups sont aussi condamnés s’ils font avorter la femme. Dans ce cas, le coupable peut être condamné jusqu’à 10 ans de prison selon l’article 249 de cette proposition de code criminel. Une femme peut aussi être emprisonnée si elle avorte sans que sa santé soit en danger ou que sa grossesse soit le résultat d’un viol ou d’un inceste.

[xi] Le Comité Technique des Affaires Féminines publie un bi-hebdomadaire qui traite des questions concernant les femmes, et le Comité des Femmes Travailleuses diffuse aussi de nombreuses publications sur la violence contre les femmes.