Droit des femmes en Palestine

(Autorité Palestinienne et Territoires Occupés par Israël)

Par Suheir Azzouni



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Sommaire :

Introduction          
Non-discrimination et
accès à la justice

Autonomie, sécurité et
liberté de la personne

Droits politiques et voix civile
Droits culturels et sociaux

Droits économiques et égalité réelle

Les femmes palestiniennes peuvent légalement posséder des terres et propriétés et exercer un contrôle sur leurs propriétés[i]. Cependant, les traditions et coutumes, comme celles qui encouragent les femmes de donner leur part d’héritage à leurs frères, ou celles qui encouragent les hommes de prendre les propriétés en leur seul nom plutôt que conjointement avec leurs femmes, rend le pourcentage de femmes possédant une propriété marginal. Le PCBS a démontré dans son étude de 1999 que seulement 7,7% des femmes des Territoires Palestiniens possèdent ou partagent la propriété d’une maison (5,7% en Cisjordanie et 11,1% à Gaza). L’étude montre aussi que 5% des femmes possèdent ou partagent la propriété d’un terrain (5,4% en Cisjordanie et 4,3% à Gaza) et que seulement 1% des femmes possèdent une voiture personnelle (1,3% en Cisjordanie et 0,4 % à Gaza).

Malgré le statut financier indépendant des hommes et des femmes selon la charia islamique et les lois sur la propriété en application dans les régions palestiniennes, il y a toujours des femmes qui ne contrôlent pas leurs revenus. Cela est principalement dû aux coutumes et traditions qui continuent de voir l’homme comme celui qui gagne le pain et que donc les décisions concernant les finances reviennent à l’homme. Cependant, un large pourcentage de femmes en Palestine déclarent qu’elles participent aux principales décisions concernant le foyer. Une étude du PCBS de 1999 conclue que « les principales décisions concernant le foyer sont prises par consensus entre tous les membres du foyer à 88% et à 92% entre l’homme et la femme ».

La loi jordanienne sur l’héritage en application dans les territoires donne aux femmes le droit à la moitié de la part de l’homme. De nombreuses femmes palestiniennes (surtout dans les zones rurales) ne jouissent pas toutefois de ce droit, et elles sont mal vues si elles réclament leur part légale d’héritage. En général, les familles palestiniennes préfèrent que ce soit leur fils qui hérite pour que la propriété familiale reste dans la famille et ne passe pas à celle du mari de la fille. Il y a eut quelques campagnes organisées par des organisations de femmes pour encourager les femmes à demander leur part d’héritage. En 1999, l’étude du PCBS conclue que 20% des femmes ayant droit à un héritage ont réclamé leur part[ii].

Aucune interdiction légale empêche les femmes de faire des affaires, de signer des contrats ou d’avoir des activités économiques. Cependant, l’éducation familiale discriminatoire et les normes sociales (en particulier dans les zones rurales) peuvent empêcher les femmes d’avoir une activité économique. Le nouveau code du travail palestinien de 2000, bien qu’il soit plus avancé que les lois précédentes, contient toujours des règles discriminatoires qui ne garantissent pas aux femmes les mêmes revenus et salaires que les hommes.

Depuis son établissement en 1994, le ministère de l’éducation a fait des efforts impressionnants pour rendre l’éducation accessible aux garçons et aux filles des territoires. Il y a eut moins d’écoles construites pour les filles que pour les garçons pendant l’occupation, et le ministère s’est depuis concentré sur l’établissement d’écoles pour filles, en particulier dans les zones rurales. Le ministère a aussi permis aux écolières fiancées ou mariées de retourner dans les classes pour compléter leur éducation scolaire. Malgré cela, des filles qui ont été mariées ont été exclues des écoles[iii].

L’étude de 2003 sur la force de travail réalisée par le PCBS a montré que le taux d’alphabétisation est de 91,9% chez les personnes âgées de 15 ans et plus et sur l’ensemble du Territoire Palestinien. Ce taux est de 96,3% pour les hommes et de 87,4% pour les femmes[iv]. Malgré le fort taux de scolarisation initial, il reste un problème pour la sortie des enfants au secondaire. Le taux de sortie des femmes est le résultat des mariages précoces et de la pénurie d’école pour filles de niveau supérieur dans les zones rurales et les camps de réfugiés[v].

Le programme, essentiellement dans les écoles secondaires[vi], reprend les stéréotypes traditionnels et fait la promotion du rôle traditionnel des femmes et des hommes. Les filles sont aussi encouragées de poursuivre leur éducation vers des métiers qui sont perçus comme des extensions de leur futurs rôles de mères et de soignantes.

L’accès des femmes à l’éducation est aussi restreint par l’actuel conflit armé dans la région et par la construction du « mur de séparation » entre les régions israéliennes et palestiniennes. Les femmes palestiniennes qui vivent aujourd’hui près du mur doivent faire de plus longues distances pour aller à l’école ou à l’université. Le mur a également créé de nouvelles dépenses pour les familles palestiniennes qui doivent trouver des moyens de transports pour que les filles et les femmes aillent à l’école[vii].

Un fort pourcentage de femmes se trouvent en dehors de la force de travail dans les Territoires Palestiniens. Un autre fort pourcentage travaillent comme membre non-payé de la famille ou dans le secteur informel, où elles ne bénéficient pas des avantages et protections offerts par le code du travail. Selon le PDNU, 90,5% des femmes des territoires Palestiniens sont en dehors de la force de travail[viii]. Pour les femmes qui ont eu 13 ans ou plus de scolarité, 55,7% sont hors de la force de travail légale, et moins de 1% possède sa propre entreprise.

Un des principaux obstacles qui poussent les femmes hors de la force de travail (à part la situation économique en déclin), c’est le manque de services adéquats pour aider les femmes à avoir à la fois un travail et des enfants, selon le PCSB. Il n’y a que très peu d’établissements qui dispose d’une crèche. A la fois le code du travail et l’administration civile garantisse un congés-maternité de 10 semaines et de soins infirmiers payés pour la première année après l’accouchement. De nombreuses entreprises continuent de discriminer les femmes mariées[ix]. Dans le secteur bancaire, en particulier à l’Arab Bank et à la Cairo Amman Bank, on demande aux femmes de donner leur démission au moment du mariage. Le gouvernement n’a rien fait pour changer leurs règlements, bien que la loi interdise de telles discriminations. A part quelques exceptions, la loi elle-même interdit aux femmes de chercher des emplois qui sont « dangereux ou difficiles » ou qui impliquent des heures de nuit.

Selon les études, les femmes gagnent seulement 65% d’un salaire masculin en Cisjordanie et 77% dans la Bande de Gaza ; de nombreuses femmes gagnent moins que le salaire minimum. De nombreuses femmes travaillent aussi dans des conditions discriminatoires et sont bafouées dans leurs droits aux congés-maternité, et aux congés hebdomadaires et annuelles[x]. Enfin, le temps nécessaire pour passer les check-points israéliens afin de trouver un emploi augmente le temps passé par les femmes hors de chez elles, leur faisant perdre du temps pour leurs tâches domestiques.

Les organisations de femmes ont régulièrement appelé à une loi protégeant les femmes contre le harcèlement sexuels dans les lieux de travail, mais une telle loi n’existe pas aujourd’hui. Il est difficile pour les femmes de rendre le harcèlement sexuel public parce qu’elles seront mal vues et rendues responsables, la norme social tendant à stigmatiser plutôt la victime.

Les groupes de défense des femmes ont généralement eu plus de succès en demandant des changements dans la législation formelle qu’en gagnant des changements dans l’application des lois et dans les attitudes culturelles. Permettre un changement dans la perception du rôle des femmes par la société reste une tâche épuisante.

 

Recommandations :

  1. Le Conseil Législatif Palestinien et l’Autorité Palestinienne doivent créer des mécanismes afin d’assurer que toutes les femmes aient accès à la totalité de leurs droits à l’héritage et de façon égalitaire.
  2. Le Conseil Législatif Palestinien doit légiférer et renforcer les lois pour assurer l’égalité entre les sexes dans le droit du travail et les droits aux assurances.
  3. Le Ministère de l’Education doit ouvrir plus de formations professionnelles pour les filles dans les Territoires Palestiniens.
  4. Le Conseil Législatif Palestinien doit publier et renforcer les lois qui protègent les femmes contre toute forme de discrimination et de harcèlement dans les lieux de travail.


[i] En particulier par le biais de la législation jordanienne en application en Cisjordanie et la loi N°1/1965 sur l’application des lois de la Charia sur la propriété appliquée dans la Bande de Gaza.

[iii] Il y a plusieurs cas où se sont les habitants, y compris des mères de jeunes filles, qui se sont opposés au retour à l’école des filles mariés, craignant que ces filles partagent avec leurs camarades leurs informations concernant les questions sexuelles.

[iv] « Taux d’alphabétisation de la population palestinienne (15 ans et plus) par age, groupe, sexe et région » (PCBS, 2003), http://www.pcbs.org/educatio/educ10.aspx.

[v] « Rapport sur la situation… » (WCLAC).

[vi] Le ministère de l’éducation travaillait sur un nouveau programme qui n’est pas encore terminé pour tous les niveaux. Les livres de texte qui ont été publiés sont plus sensibles à la question des genres que ceux qui existaient avant.

[vii] Interview d’une femme palestinienne par l’équipe du Freedom House, juin 2004.

[viii] Table 27, « Inégalité de genre dans l’activité économique », in Human Development Report 2004 : Cultural Liberty in Today’s Diverse World (New York, PDNU, 2004), http://www.law.emory.edu/IFL/legal/palestine.htm.

[ix] L’Arab bank et la Cairo-Amman Bank n’emploient que des femmes célibataires dans les Territoires Palestiniens et force les femmes à démissionner lorsqu’elles se marient.

[x] « Rapport sur la situation… » (WCLAC).